Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/150

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Après un échange d’observations sur les difficultés qu’offrirait l’exécution d’un pareil article et les inconvénients qui en résulteraient, la suppression de l’article fut votée par les Fédérations italienne, espagnole, française et jurassienne (les Fédérations anglaise, belge et hollandaise s’abstenant). Voici les raisons qui furent données par deux délégués, Dave et le rapporteur, pour la suppression de l’article, en réponse à ceux qui avaient exprimé la crainte de voir se produire des abus :

Dave : « Si nous demandons la suppression de l’article, ce n’est pas parce que nous voulons supprimer les garanties ; mais nous pensons que l’article ne peut pas prévoir et spécifier tous les cas, que ses dispositions seront nécessairement incomplètes, et que par conséquent il est inutile. »

James Guillaume, rapporteur : « En présence des difficultés qu’offre une détermination réglementaire des garanties à exiger et de la marche à suivre à cet égard, je voterai la suppression de l’article. Il me semble que le mieux sera de laisser à chaque Congrès le soin d’apprécier si les garanties que lui offrent les délégués et les sections sont suffisantes ; c’est ce que nous avons fait cette fois pour les mandats de Terzaghi et pour ceux des Sections françaises. »

L’article 8 du projet ayant été supprimé, l’article 9 se trouva devenu l’article 8. Cet article était relatif à l’établissement d’un centre temporaire pour la correspondance ; il disait qu’une fédération régionale serait chargée chaque année par le Congrès général de l’organisation du Congrès de l’année suivante ; que la fédération qui aurait reçu ce mandat servirait de Bureau fédéral à l’Association : elle serait chargée de porter à la connaissance des fédérations régionales les questions que les diverses fédérations ou sections désireraient placera l’ordre du jour du Congrès ; le Bureau fédéral pourrait en outre servir d’intermédiaire pour les questions de grèves, de statistique, et de correspondance en général.

L’article, qui résumait ainsi les diverses idées émises dans la discussion du mardi soir, donnait satisfaction à ceux des délégués qui avaient demandé le maintien du principe d’an-archie, en ce qu’il disait que le Bureau fédéral pourrait servir d’intermédiaire entre les fédérations, ce qui impliquait que les fédérations, si elles le préféraient, auraient la faculté de ne pas se servir de cet intermédiaire. L’article fut adopté par l’unanimité des délégués, à l’exception des délégués belges, qui durent voter contre, liés qu’ils étaient par le mandat impératif qui leur prescrivait de voter pour l’établissement de trois Commissions distinctes.

Les articles 10, 11 et 12 du projet (devenus les articles 9, 10 et 11) furent adoptés sans débats et à l’unanimité.


L’article 2 du projet (ancien article 8 des statuts de 1866), qui avait été réservé pour la fin, fut ensuite mis en discussion. Il était ainsi conçu : « Quiconque adopte et défend les principes de l’Association peut en être reçu membre, sous la responsabilité de la section qui l’admettra ».

Dumartheray proposa que l’article fût rédigé de la façon suivante : « Ne feront partie de l’Internationale que les travailleurs manuels[1] ».

Manguette dit : « Je ne demande pas, quant à moi, qu’on ferme la porte de l’Internationale aux travailleurs non manuels ; mais je propose que les journalistes, les professeurs, etc., soient tenus de former des sections à part. »

Cette discussion offrant un intérêt particulier, je la reproduis en entier, d’après le compte-rendu :

« Verrycken. Je dois combattre énergiquement la proposition de Dumartheray et celle de Manguette. En Belgique, nous avons dans nos sections des hommes qui ne sont pas des travailleurs manuels, qui appartiennent à la bourgeoisie, et qui sont pour le moins aussi révolutionnaires que les ouvriers. Ces hommes-là nous ont rendu d’éminents services ; ce sont eux qui nous ont

  1. Cinq ans et demi plus tard, en février 1879, Dumartheray, par une heureuse inconséquence, devait s’associer avec Kropotkine et Herzig, qui n’étaient ni l’un ni l’autre des travailleurs manuels, pour fonder à Genève le journal le Révolté.