Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/169

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le Journal de Genève des 14 et 19 septembre, où on avait parlé de lui, Bakounine écrivit à ce journal une lettre dans laquelle il annonçait sa résolution de « se retirer de la lice » ; il y répond à des assertions mensongères contenues dans les deux articles ; il y mentionne en outre le pamphlet marxiste L’Alliance de la démocratie socialiste et l’Association internationale des travailleurs, qui venait de paraître, mais qu’il n’avait pas encore vu et dont il ne parlait que par ouï-dire. La lettre parut dans le Journal de Genève du 25 septembre 1873 (elle a été reproduite dans un supplément du Bulletin, du 12 octobre) ; la voici :


Messieurs,

Il n’est guère dans mes habitudes de répondre aux injures et aux calomnies des journaux. J’aurais eu trop à faire vraiment, si j’avais voulu relever toutes les sottises que, depuis 1869 surtout, on s’est plu à débiter sur mon compte.

Parmi mes calomniateurs les plus acharnés, à côté des agents du gouernement russe, je place naturellement M. Marx, le chef des communistes allemands, qui, sans doute à cause de son triple caractère de communiste, d’Allemand et de Juif, m’a pris en haine, et qui, tout en prétendant nourrir également une grande haine pour le gouvernement russe, n’a jamais manqué, à mon égard du moins, d’agir en pleine harmonie avec lui. Pour me noircir aux yeux du public, M. Marx n’a pas eu seulement recours aux organes d’une presse par trop complaisante, il s’est servi des correspondances intimes, des comités, des conférences et des congrès mêmes de l’Internationale, n’hésitant pas à faire de cette belle et grande association, qu’il avait contribué à fonder, un instrument de ses vengeances personnelles.

Aujourd’hui même on m’annonce l’apparition d’une brochure sous ce titre : L’Internationale et l’Alliance. C’est, dit-on, le rapport de la commission d’enquête nommée par le Congrès de la Haye.

Qui ne sait aujourd’hui que ce Congrès ne fut rien qu’une falsification marxiste, et que cette commission, dans laquelle siégeaient deux mouchards (Dentraygues[1] et Van Heddeghem), prit des résolutions qu’elle déclara elle-même être incapable de motiver, en demandant au Congrès un vote de confiance ; le seul membre honnête de la commission protesta énergiquement contre ces conclusions à la fois odieuses et ridicules, dans un rapport de minorité.

Peu satisfait de la maladresse de ses agents, M. Marx a pris la peine de rédiger lui-même un nouveau rapport[2], qu’il publie aujourd’hui avec sa signature et celle de quelques-uns de ses affidés[3].

Cette nouvelle brochure, me dit-on, est une dénonciation formelle, une

  1. Dentraygues ne faisait pas partie de la commission : Bakounine, qui, n’ayant pas été à la Haye, était excusable de confondre les noms, avait écrit Dentraygues au lieu de Lucain ou de Vichard.
  2. Autre erreur, qui fut du reste partagée par nous tous jusqu’à la publication de la Correspondance de Sorge. La brochure sur l’Alliance n’est pas l’œuvre personnelle de Marx, à l’exception de la conclusion, qu’il a écrite en collaboration avec Engels : voir plus loin (p. 148).
  3. Les signataires du « rapport » sont : E. Dupont, F. Engels, Léo Fränkel, C. Le Moussu, Karl Marx, Aug. Serraillier. On a vu plus haut le jugement porté, pas bien longtemps après, par Engels et Marx sur Serraillier et Le Moussu.