Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/201

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Puisque les tripotages de la bourgeoisie capitaliste de New York atteignent directement les ouvriers de notre pays, il faut que les ouvriers du Jura se mettent en mesure de résister non-seulement à la bourgeoisie suisse, mais à la bourgeoisie américaine, à celle du monde entier, en s’alliant aux ouvriers du monde entier... La résistance à la bourgeoisie ne doit pas être seulement locale, car alors elle ne peut produire aucun résultat efficace ; elle doit devenir universelle, internationale. Il faut que les ouvriers de la Chaux-de-Fonds deviennent les alliés des ouvriers de New York, des ouvriers de tous les pays civilisés ; il faut que, tous, ils solidarisent leurs intérêts et s’entr’aident dans la lutte contre l’exploitation. Et qu’on ne traite pas d’utopie la mise en pratique de cette idée! Ne voyons-nous pas, en ce moment même, les ouvriers de New York engager la lutte contre la bourgeoisie américaine au nom des mêmes principes que nous ? Les intérêts des ouvriers américains ne sont-ils pas les mêmes que ceux des ouvriers suisses ? Et ce pacte universel de solidarité dont nous parlons, n’en voyons-nous pas déjà un commencement d’exécution ?

Oui, il faut le reconnaître : le seul moyen pour assurer le succès des revendications ouvrières, c’est de généraliser la lutte, c’est d’opposer à la ligue universelle du capital la ligue universelle du travail. Et notre but, une fois cette ligue organisée, ne doit pas être d’apporter seulement quelques soulagements aux maux actuels ; il faut, si nous voulons en finir une fois pour toutes avec les crises, les baisses de prix, les grèves et la misère, en venir au grand, au seul remède : l’abolition complète du patronat, la remise aux mains des ouvriers de tous les instruments de travail, — ce qui signifie la révolution sociale.


Dans le numéro suivant, en un grand article (non signé, comme c’était la règle dans nos journaux), Auguste Spichiger examinait les obstacles qui s’étaient opposés jusque-là au développement de l’organisation ouvrière : il montrait, d’un côté, les ouvriers rangés, les économes à tout prix, ceux dont la morale consiste à ne rien devoir à personne, et qui sont des égoïstes aspirant à se créer, si possible, une situation de privilégiés ; de l’autre, les noceurs, les légers de caractère, les irréguliers au travail, qui veulent bien réclamer et même se révolter, mais qui se découragent au moindre échec, et que la « noce » énerve et démoralise ; et il faisait voir que de cette situation générale était résultée l’impuissance à créer des organisations solides. Et pourtant, nulle lutte efficace contre la misère n’était possible sans cette organisation. « Ainsi donc, disait Spichiger, puisque nous avons tous des torts, reconnaissons-les et faisons-en notre meâ culpâ, en nous promettant mutuellement de nous affranchir de nos faiblesses : les uns, en mettant de côté cette déplorable bêtise de vouloir singer l’existence bourgeoise ; les autres, en ne se rabaissant pas par une conduite indigne d’ouvriers ayant la conscience de leurs droits. » Et il concluait, dans un bel élan d’enthousiasme :


Quant à nous, nous en faisons le serment, nous brisons avec la vieille routine sous quelque forme qu’elle se présente, et nous serons les adversaires de tout ce qui en conserve le caractère, pour nous vouer au travail de l’avènement d’une société nouvelle ; car nous avons enfin ouvert les yeux, et la lumière nous est apparue ; non la lumière d’un Dieu soumettant tout à un despotisme insupportable, mais la lumière de la grande Déesse de la vraie liberté, de la Révolution sociale.


L’assemblée générale de la Fédération ouvrière locale de la Chaux-de-Fonds,