Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/285

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contre le ministère sera un gage de la ferme volonté de tous les partis — l’exemple de Garibaldi vous le prouve — de soutenir en Italie la monarchie, la liberté et la justice. » Mais malgré ces protestations de dévouement de la part des amis de Garibaldi et de Mazzini, le ministère, comme il était naturel, conserva la majorité, et l’interpellation fut écartée.

Cinq jours plus tard, Garibaldi alla présenter ses hommages au roi Victor-Emmanuel. « Dans un carrosse à livrée, — nous écrivit Cafiero, — accompagné de quelques-uns de ses anciens officiers, aujourd’hui généraux de la suite du roi, Garibaldi s’est rendu au Quirinal, où il a été reçu avec des honneurs royaux. » Et en mars, le vieil adversaire du Vatican alla voir le prince Torlonia, intime ami de Pie IX, qui lui témoigna les plus grands égards, et, du consentement du pape, lui rendit sa visite. « Victor-Emmanuel, Pie IX, Garibaldi et Torlonia, se donnant la main, représentent l’État, l’Église, et la bourgeoisie tant radicale que conservatrice, réunis en un seul faisceau : c’est la Sainte Ligue du passé contre l’avenir, le dernier carré de la réaction, qui se prépare à recevoir l’assaut suprême de la Révolution » (Bulletin du 21 mars 1875).

L’instruction contre les internationaux arrêtés dans l’été de 1874 se poursuivait lentement. Dans les premiers jours de février, dix ouvriers détenus à Rome furent déclarés prévenus de conspiration, tandis qu’une ordonnance de non-lieu était rendue à l’égard de dix-sept autres. Le 13 février, le plus grand nombre des ouvriers des Marches prévenus d’internationalisme bénéficièrent d’une ordonnance de non-lieu, et en conséquence furent mis en liberté les nombreux prisonniers qui se trouvaient de ce chef dans les prisons d’Ancône, de Macerata et de Pesaro. Soixante-dix internationaux étaient emprisonnés à Florence : une ordonnance de non-lieu fut rendue à l’égard de trente-six d’entre eux, et les trente-quatre autres furent renvoyés devant la Cour d’assises sous la prévention de conspiration el de tentative d’exécution ; le procès devait avoir lieu en juin. Quant aux insurgés de Bologne et de la région environnante, et à ceux de la Pouille, aucune décision n’avait encore été prise à leur égard.

En avril, Cafiero suspendit ses correspondances pendant quelques semaines ; il était allé, je crois, faire un voyage en Italie. Je publiai, dans le Bulletin du 2 mai, la note suivante : « La police italienne traque les socialistes avec un acharnement croissant. Nous avons eu dernièrement un échantillon de ses ingénieuses inventions. Elle avait, dans un but facile à comprendre, fait répandre le bruit qu’un Congrès général de l’Internationale aurait lieu en Suisse, à Neuchâtel, le 25 avril. Nous fûmes instruits de cette manœuvre, et prévenus en même temps que des mouchards italiens se présenteraient sans doute chez quelques-uns de nos amis sous prétexte de délégation à ce Congrès imaginaire. La chose ne manqua pas d’arriver comme elle nous avait été annoncée : lundi 26 avril, un membre de l’Internationale, résidant à Neuchâtel, reçut la visite d’un monsieur qui se disait délégué italien : il portait, comme preuve de son mandat, divers papiers dont la fabrication maladroite trahissait la main de la police, et désirait obtenir des renseignements sur le prétendu Congrès et sur divers socialistes italiens qui, suivant lui, ne manqueraient pas d’y venir. Il va sans dire que le monsieur en question fut purement et simplement mis à la porte. »

Le procès des dix internationaux de Rome fut jugé du 4 au 8 mai : cinq d’entre eux, Bianchi, comptable, Bertolani (Giuseppe), maçon, Lombardi, maçon, Stazzi, cordonnier, et Berni, ex-garde municipal, furent condamnés à dix ans de travaux forcés ; Caimi, cordonnier, et Laurantini, employé du gouvernement, reçurent dix ans de réclusion ; Manzi, cordonnier, sept ans ; Bertolani (Nicolà), trois mois de prison ; Monti, manœuvre, fut absous. Cette sentence féroce, rendue contre des hommes dont le seul crime était d’avoir apposé dans les rues de Rome des placards séditieux, excita l’indignation de tout ce qui en Italie avait un peu de cœur. Les condamnés firent appel devant la Cour de cassation, qui, ainsi qu’on le verra plus loin (p. 288), cassa le jugement du 8 mai pour vice de forme.


En France, l’Assemblée de Versailles discutait les lois constitutionnelles.