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Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/316

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leurs de pierres eut lieu le 1er août à Bruxelles : on y décida qu’il serait tenu désormais quatre congrès fédéraux par an. L’organe de la fédération, la Persévérance, exprimait nettement cette idée, que le mouvement ouvrier devait viser non pas seulement au relèvement des salaires, mais à la suppression du salariat.


En Angleterre, le mouvement conservait son caractère réformiste. « Le Comité des Trade Unions de Liverpool — écrivait le correspondant du Bulletin (n° 29) — est enchanté des nouvelles lois sur le travail présentées par le ministre, M. Cross, et assure celui-ci « de la gratitude des travailleurs du Royaume-Uni ». Le Comité parlementaire des Trade Unions n’est pas moins satisfait des changements qui ont été apportés au Conspiracy Act ; seuls, les ouvriers de Halifax restent mécontents, et jurent de continuer à protester jusqu’à ce que la loi soit complètement abrogée. » Une grève de cordonniers donna lieu (août) à un jugement que notre correspondant nota (n° 35) : « Un patron, encouragé par l’affaire des cinq ébénistes, a poursuivi un des ouvriers en grève pour picketing ; mais cette fois le juge n’a pas osé condamner l’ouvrier et a reconnu son droit ». C’était le résultat de la manifestation de Hjde Park (p. 264).


Aux États-Unis, la crise industrielle devenait toujours plus intense. « Pendant qu’on célèbre la série des centenaires des principaux événements de la glorieuse guerre de l’Indépendance, la situation, autrefois tant vantée, des travailleurs américains devient aussi misérable, sinon plus, que celle des travailleurs européens. » (Bulletin du 29 août.) Le nombre des sans-travail allait croissant ; et quant aux rares ouvriers qui pouvaient avoir encore de l’ouvrage, ils étaient à peu près trois fois moins payés que par le passé, et devaient s’attendre à voir leur salaire diminuer encore.


En Allemagne, l’élection d’un député au Reichstag dans le duché de Lauenbourg, en juillet, révéla que dans cette région agricole et éminemment conservatrice, où se trouvait la terre de M. de Bismarck (Varzin), et où il n’y avait pas eu une seule voix socialiste en 1874, les paysans étaient en train de se convertir aux idées nouvelles. Un journal de Hambourg écrivait : « Les progrès du socialisme sont véritablement quelque chose d’effrayant ! À Ratzebourg, le candidat socialiste a obtenu 121 voix sur 407 votants ; à Mœlln, 240 voix sur 528 votants ; à Lauenbourg même, 257 voix sur 537 votants, etc. ; si de telles choses arrivent dans un moment comme celui-ci, où on dit que le socialisme est paralysé par la crise industrielle, que sera-ce lorsque les affaires auront repris et que le socialisme refleurira de plus belle ? » (Bulletin du 1er août.)


En Danemark, le gouvernement avait fait emprisonner, en 1874, les trois « chefs » du mouvement socialiste, Pio, Brix et Geleff. À leur sortie de prison, une grande manifestation ouvrière fut organisée (5 juin 1875) ; les « chefs » y prononcèrent des discours, et Geleff dit, entre autres, que la constitution danoise contenait de bonnes choses, mais qu’elle n’était pas observée, et que, sans la résistance des travailleurs, le gouvernement l’aurait déjà supprimée[1]. (Bulletin du 18 juillet.) Un mouvement d’ordre économique, le mois suivant, fit contraste avec cette démonstration purement politique : à Copenhague, une grande grève des cigariers, victorieuse, força les fabricants à prendre l’engagement de n’occuper d’autres ouvriers que ceux qui étaient membres de l’Union cigarière ; les sociétés de province s’unirent à celle de la capitale pour constituer une Fédération des ouvriers en tabacs ; cette fédération réussit à constituer une branche dans la ville suédoise de Malmö, et les journaux suédois se plaignirent amèrement que par là « le socialisme eût été pour la première fois introduit pratiquement en Suède ». (Bulletin du 19 septembre.)


En Hertségovine, au commencement de juillet, se produisit un mouvement insurrectionnel contre l’autorité turque. Cette révolte éveilla de nombreuses

  1. On verra, dans le prochain volume, ce qui advint, en avril 1877, de deux des « chefs » du parti socialiste danois, MM. Louis Pio et Paul Geleff.