Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/320

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d’accord ? C’est que la même situation économique les pousse à la pratique de la solidarité. Que sera-ce, alors que leur action sera débarrassée de toutes les entraves que lui oppose l’ordre actuel ?

Comment se fait-il que l’Internationale augmente en puissance d’action tant qu’elle est une fédération, tandis qu’elle se déchire sitôt qu’un Conseil général veut en faire un État ? C’est que les travailleurs ont la haine de l’autorité, et qu’ils ne seront puissants que par la pratique de cette large et complète liberté.

Oui, notre Association a été la démonstration de la fécondité du principe d’autonomie et de libre fédération ; et c’est par l’application de ce principe que l’humanité pourra marcher vers de nouvelles conquêtes pour assurer le bien-être moral et matériel de tous.


À la suite du rapport de Schwitzguébel, la brochure contient, ainsi que l’avait décidé le Congrès, les considérants lus au nom de la Section de Berne. Les voici, avec l’explication dont ils sont précédés :


Les délégués de Berne avaient reçu de leur Section, au sujet de la question des services publics, le mandat suivant, dont le Congrès de Vevey a décidé l’impression à la suite du rapport de la Section des graveurs et guillocheurs du district de Courtelary :

« Considérant que l’observation démontre que le travail perd tous les jours l’apparence du travail individuel pour se constituer en travail collectif ou social ;

« Que les services publics ne sont que cette partie du travail social qui, pour des causes qu’il serait intéressant de rechercher, s’est, la première, constituée collectivement ;

« La Section de Berne pense que la question doit être posée en ces termes :

« Quelle sera après la Révolution l’organisation du travail social ?

« Dans le cas où le Congrès jurassien aborderait la question en ces termes, les délégués de la Section combattront toute organisation par l’État ; ils repousseront l’État fédéral comme l’État centralisé[1]. »


Une assemblée populaire eut lieu l’après-midi dans la salle du Congrès. Le Bulletin en rend compte en ces termes :

« Plusieurs orateurs exposent, devant une foule nombreuse et attentive, les principes de l’Internationale. Le citoyen Beslay demande ensuite à faire quelques réserves sur les principes émis ; il n’est pas partisan de la propriété collective ; il pense que les instruments de travail peuvent et doivent être mis à la disposition de l’ouvrier au moyen du crédit. Le citoyen Élisée Reclus répond au citoyen Beslay : il dit que ce serait une duperie que d’attendre l’émancipation des travailleurs comme le résultat d’une conciliation avec la bourgeoisie ; il analyse la manière dont s’est formée la propriété individuelle, et montre que dans tous les pays elle repose sur le vol et l’exploitation ; et il conclut à l’établissement de la propriété collective, comme seul moyen de réaliser la justice et la liberté. Des applaudissements enthousiastes accueillent ce discours.

« Après une discussion assez vive et très intéressante, la résolution suivante, qui avait été votée il y a cinq ans dans un meeting tenu à Vevey le 8 mai 1870, est présentée à l’approbation de l’assemblée :

  1. Le rapport de Schwitzguébel sur les services publics (avec, à la suite, les considérants de la Section de Berne) a été réimprimé dans le volume Quelques écrits, par Adhémar Schwitzguébel, Paris, Stock, 1908.