Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/334

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qu’elle est ; et, à leur place, nous agirions de même. Mais aussi — sans pour cela regarder comme des faux-frères ceux qui diffèrent de nous sur ce point — nous pensons que tout socialiste qui aura habité pendant quelques années la Suisse française, et qui en connaîtra l’esprit et les traditions politiques, aboutira comme nous à la conviction que la participation à la lutte électorale, dans le but de faire élire des candidats socialistes, non-seulement serait du temps perdu, mais encore serait une tactique mauvaise, qui ferait reculer chez nous la cause du travail au lieu de la faire avancer.


Huit jours après les élections, notre organe disait :


À Zürich, les socialistes s’étaient unis au parti bourgeois appelé démocratique, et cette coalition portait dans le 1er arrondissement (ville de Zürich) une liste mixte, où figuraient trois démocrates et deux socialistes, membres de l’Arbeiterbund (Karl Bürkly et le mécanicien Morf). Cette liste est restée en minorité, et celle du parti conservateur a passé. C’était la seule circonscription électorale en Suisse où fussent portés des candidats socialistes. Il n’y aura donc, cette fois encore, point de députés ouvriers au Conseil national. Ce n’est pas nous qui en pleurerons.


La Tagwacht, elle, constata avec chagrin l’indifférence des ouvriers zuricois au sujet des élections : « Quelques membres isolés ont bravement fait leur devoir, mais la masse est restée inerte et indifférente. L’assemblée ouvrière convoquée la veille de l’élection a réuni si peu de monde, qu’il s’y trouvait à peine une cinquantaine d’électeurs ! Le résultat naturel d’une pareille attitude, c’est que la liste démocratique qui portait les deux candidats socialistes est restée en minorité. » À cette jérémiade le Bulletin répondit (21 novembre) :


L’indifférence que les travailleurs témoignent, de votre propre aveu, pour les questions électorales, n’est-elle pas justement un indice que votre tactique n’est pas la bonne, amis zuricois, et qu’il vaudrait mieux renoncer à vouloir intéresser les ouvriers à des candidatures dont ils ne se soucient pas ? N’y a-t-il pas d’autres moyens, bien plus puissants, de faire de l’agitation et de la propagande ? les meetings d’indignation contre les massacres d’ouvriers, les grèves héroïquement soutenues, ces choses-là ne parlent-elles pas bien plus au cœur du peuple travailleur qu’une élection politique ? Réfléchissez-y ; et, si vous connaissez l’histoire du mouvement ouvrier à Genève, comparez ce qu’il était en 1868 et 1869, où on faisait des grèves et des meetings, mais pas — ou presque pas — de politique électorale, avec ce qu’il est devenu aujourd’hui, où on fait de la politique électorale, mais où il n’y a plus ni meetings ni grèves.


La Tagwacht s’occupa, dans la première semaine de novembre, de l’appel de la Fédération des graveurs et guillocheurs (voir p. 298), et tout ce qu’elle trouva à dire à ce sujet fut ceci : « Pour nous, nous ne connaissons point d’autre moyen qu’une propagande infatigable au sein du peuple travailleur, afin que le nombre de ceux qui se laisseraient employer contre leurs frères en grève diminue de plus en plus ». Le Bulletin (14 novembre) fit remarquer que l’observation de la Tagwacht ne répondait pas du tout à la question posée :


Il existe, dès à présent, des groupes assez nombreux d’ouvriers suisses qui sont fermement résolus à ne pas « se laisser employer contre leurs frères en grève », et qui n’ont plus besoin qu’on leur fasse de la propagande pour leur démontrer que les travailleurs ne doivent pas se fusiller entre