Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/336

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vorable ; on lit dans le Bulletin du 31 octobre : « Un ouvrier de Genève, qui vient de rentrer dans sa ville natale après une absence de plusieurs années, nous écrit ce qui suit : À mon arrivée, j’ai été vraiment écœuré en entendant les conversations de presque tous les ouvriers d’ici : on n’entend plus parler que de militaire et de questions religieuses ; de questions sociales, absence complète. Cette centralisation à laquelle on travaille fait de la Suisse une petite Prusse avec son chauvinisme ; c’est vraiment désolant que les ouvriers genevois, assez intelligents de nature, soient tombés si naïvement dans le piège tendu par la bourgeoisie. Je ne sais pas comment cela se passe ailleurs, mais ici le tour est joué... Les ouvriers libres-penseurs vont maintenant à la messe du curé libéral, pour appuyer soi-disant le mouvement progressiste ; quelquesuns ont eu la simplicité de me proposer d’y aller avec eux : vous pouvez penser si je les ai bien reçus ! »

Nous organisâmes, pour l’hiver 1875-1876, une campagne de conférences, à Neuchâtel, à Berne, à Fribourg, au Val de Saint-Imier. Et à cette occasion, un rapprochement se fit entre les Jurassiens et la Section du propagande de Genève : celle-ci adressa un appel à quelques-uns d’entre nous, qui allèrent donner à Genève quelques conférences[1], avec l’espoir de créer de nouveau dans cette ville une agitation socialiste ; et, en retour, Lefrançais et Joukovsky vinrent à Berne, à Neuchâtel, à Saint-Imier, parler, le premier, de la « propriété collective », le second de « l’État ».

Le Bulletin du 3 octobre annonça que la seconde série de mes Esquisses historiques était sous presse, et en publia quelques pages (sur la philosophie grecque) ; le petit volume parut à la fin de novembre.

Nous ne continuâmes pas la publication de l’Almanach du peuple, qui avait été poursuivie pendant cinq années ; l’Almanach socialiste qu’entreprenaient nos amis de la rédaction de l’Ami du peuple, à Liège, nous parut de nature à le remplacer.

À partir du 1er décembre, l’administration du Bulletin fut transférée à la Chaux-de-Fonds, parce que François Floquet, qui, depuis deux ans et demi, était chargé des fonctions d’administrateur, avait dû quitter le Locle, où il n’avait plus de travail, pour aller habiter la Chaux-de-Fonds. En outre, l’atelier coopératif des graveurs et guillocheurs avait été définitivement transporté, en novembre 1875, du Locle à la Chaux-de-Fonds : en sorte que, le Locle s’étant vu privé successivement de ses militants les plus actifs, il ne s’y trouva plus, à partir de la fin de 1875, assez de socialistes indépendants et combatifs pour continuer à y maintenir une Section de l’Internationale.

Dans son dernier numéro de 1875, qui terminait la quatrième année de son existence, le Bulletin publia un article-programme, où nous déclarions — contrairement à l’avis de ceux qui se tenaient éloignés des sociétés ouvrières sous le prétexte qu’elles étaient impuissantes à rien réaliser de pratique — que, « au moyen d’organisations franchement ouvrières, ne voulant que la satisfaction des intérêts du travail, et sachant séparer leur cause de celle des partis politiques bourgeois, il était possible de faire quelque chose » ; et nous le prouvions en ces termes :


Ouvriers, si vous vouliez !

Supposons deux mille ouvriers de la Chaux-de-Fonds organisés par corps de métier et reliés par la fédération locale, décidés à ne vouloir que ce qui est dans l’intérêt réel de la population ouvrière et à n’agir que conformément à cet intérêt. Premier résultat pratique : Constitution positive du parti ouvrier de la Chaux-de-Fonds, et abandon, par deux

  1. Je me rappelle avoir fait à Genève, cet hiver-là, sur l’invitation de la Section de propagande, une conférence sur l’impôt.