Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/343

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Comité central nous permette de le lui dire, il a fait justement ce qu’il ne fallait pas faire : une simple lettre adressée à un anbassadeur par un comité ne signifie rien et ne peut avoir aucun résultat. Ce qu’il eût fallu, c’eût été une agitation entreprise dans la Suisse entière, s’annonçant par des réunions populaires et aboutissant à la publication d’un manifeste collectif adressé au peuple français. Voilà qui eût été, à la fois, et un moyen d’agir sur l’opinion en France, et un moyen de faire une utile propagande en Suisse. »

Le 2 janvier eut lieu à Bienne une assemblée de délégués de la Fédération des ouvriers cordonniers, représentant les sociétés de Lausanne, Vevey, Neuchâtel, le Locle, la Chaux-de-Fonds, Berne, Bienne, et Olten. Le Bulletin, en rendant compte de cette réunion (no 4), fit la réflexion suivante :

« Les sociétés de cordonniers, dans la Suisse française, sont exclusivement composées d’ouvriers de langue allemande. Cette circonstance a tenu jusqu’à présent ces sociétés dans un certain isolement à l’égard des autres sociétés ouvrières existant dans les mêmes localités. Il serait à désirer que l’obstacle créé par la différence des langues pût être surmonté, et nous croyons qu’avec un peu de bonne volonté de part et d’autre il le serait aisément. Si un rapprochement s’opérait, à Lausanne, à Vevey, à Neuchâtel, à la Chaux-de-Fonds, au Locle, à Bienne, entre les sociétés d’ouvriers cordonniers et celles d’ouvriers appartenant à d’autres professions, spécialement à l’horlogerie, ce rapprochement ne pourrait avoir que d’heureux résultats. Les ouvriers cordonniers ont montré jusqu’ici beaucoup d’initiative et d’énergie : ils pourraient souffler un peu de leur ardeur à d’autres corporations qui, malheureusement, dorment le triste sommeil de l’indifférence. »

Ce vœu fut bien accueilli par la Tagwacht, qui le commenta (29 janvier) en ces termes :

« Nous sommes fermement convaincus que non seulement les cordonniers, mais encore toutes les autres sections de l’Arbeiterbund dans la Suisse française, seraient très disposées à donner la main à un rapprochement semblable. Mais la Fédération jurassienne devrait de son côté surmonter l’espèce d’effroi que lui inspire le caractère autoritaire de l’Arbeiterbund, et entrer dans cette association. Notre organisation offre en effet toutes les garanties démocratiques possibles, et laisse à chaque section sa complète autonomie. Aucune ligne politique spéciale n’est imposée à personne… Le caractère de l’Arbeiterbund est celui d’une organisation corporative, économique : la Fédération jurassienne peut-elle avoir un motif de repousser aucune de nos aspirations sur ce terrain ? Quelle force la propagande ne prendrait-elle pas, si dans la Suisse romande l’élément français et l’élément allemand, unis dans une même association, travaillaient en commun au développement et à l’organisation des corps de métier ? Pensez-y, Jurassiens, et vous verrez que la chose est très faisable. Votre autonomie n’en restera pas moins intacte, — mais le mouvement, sur la base du programme de notre Association, prendra plus d’unité et de puissance. »

Le Bulletin répondit ce qui suit (6 février) :


Voilà de bonnes paroles, qui valent mieux que les extraits de procès-verbal que nous avons rapportés plus haut[1]. Nous y sentons l’accent de la véritable fraternité, et, quelles que soient les réserves que nous ayons à faire sur des points importants, nous tenons à remercier la rédaction de la Tagwacht de s’être adressée à nous en un langage si franc et si cordial.

Nous ne voulons pas examiner ce qu’il peut y avoir d’autoritaire, en théorie, dans l’organisation de l’Arbeiterbund ; nous préférons donner acte à la Tagwacht de cette remarquable déclaration, que « chaque section y jouit de sa complète autonomie », et que « nulle ligne politique spéciale

  1. C’était dans ce même numéro que nous avions reproduit le procès-verbal de la séance du Comité central de Winterthour du 26 janvier.