Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/348

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ce qui suit à une jeune amie qui songeait au mariage et qui aimait un « démocrate » :


Je vous remercie, ma bien chère enfant, de la confidence que vous me faites. Elle m’a été pénible pourtant, parce que je ne voudrais pas voir un cœur tel que le vôtre se donner sans savoir à qui, et en quelque sorte par fantaisie d’imagination. Vous ne devez pas, vous, aimer un inconnu. C’est que vous ne savez pas, ma pauvre chère fille, à quoi vous vous exposez. Avec toute votre vaillance, je vous vois pleine d’inexpérience. Et puis, le grand danger, c’est que vous avez sur la démocratie des illusions très concevables. Moi aussi, j’ai eu ces illusions ; mais je ne les ai plus, je vous assure. J’en apprends tous les jours sur ce point. Si j’avais le temps, je vous dirais ce que j’ai vu récemment encore à Lugano. Mais pour cela, il faudrait causer. En résumé, je dirais presque qu’un démocrate — à prendre dans le tas, bien entendu — est un homme qui a moins de préjugés et plus de vices que la bourgeoisie. Pour la plupart, la démocratie est l’absence de toute règle, et ils se révoltent contre la morale en même temps que contre tout le reste. Pour la plupart encore, ils ne croient qu’aux droits de l’homme et sont de parfaits tyrans, ou dédaigneux, vis-à-vis des femmes…


Vingt mois plus tard, Mme André Léo devait écrire, à la même jeune amie, que son union avec Benoit Malon, « rompue en droit[1] déjà depuis longtemps », allait se dénouer par une « séparation de fait ».





  1. Mme  André Léo a biffé les mots en droit, venus sous sa plume en opposition aux mots de fait écrits à la fin de la phrase, et dont elle sentit ensuite l’impropriété.