Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/361

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Laisserai-je paraître ce dernier tome de « Documents et Souvenirs » sans le faire précéder de quelques lignes ? Des amis m’ont demandé si je ne donnerais pas, à cette place, une conclusion à ces quatre volumes, si je n’essaierais pas de résumer la philosophie de ce que j’ai raconté. À ces amis j’ai répondu : Non. Le caractère d’une publication comme celle-ci est justement de n’avoir rien de systématique : c’est au lecteur à se former lui-même une opinion. En outre, le terme même de conclusion me paraît exprimer une idée fausse. Rien ne se conclut, ne s’achève ; tout continue, recommence en se transformant. L’évolution est sans cesse en marche, la vie est immortelle.

Engels avait écrit à Sorge, en septembre 1874 : « Avec ta retraite, la vieille Internationale est complètement finie et a cessé d’exister ». Cela voulait dire simplement que la coterie marxiste était désemparée. Pour ressaisir l’influence perdue, Engels et Marx imaginèrent de pousser à la constitution de partis socialistes nationaux, destinés à prendre la place des fédérations de l’Internationale. La manœuvre fut tentée tout d’abord en Belgique et en Suisse : la constitution, en 1877, d’un Parti socialiste belge par les Flamands et d’une Sozialdemokratische Partei par les Suisses allemands eut lieu dans le dessein avoué de faire échec à l’Internationale, qui, le présent volume le montrera, bien loin d’avoir « cessé d’exister », était à ce moment plus vivante que jamais. Le mouvement anti-international continua dans les années suivantes. Il s’étendit à la France en 1880, après l’amnistie et la rentrée des proscrits ; cette année-là Marx écrit (en allemand) à Sorge, le 5 novembre :

« Tu as sans doute remarqué que l’Égalité[1] (grâce à l’entrée de Guesde dans nos rangs et aux travaux de mon gendre Lafargue) est devenue maintenant un véritable journal ouvrier. Malon aussi, dans la Revue socialiste, — bien qu’avec les inconséquences inséparables de sa nature éclectique, — a été obligé (nous étions ennemis, car il a été à l’origine un des co-fondateurs de l’Alliance) de se convertir au « socialisme moderne scientifique[2] », c’est-à-dire au socialisme allemand. J’ai rédigé pour lui le

  1. Il s’agit de la seconde série de l’Égalité, qui a paru du 21 janvier au 23 août 1880.
  2. En français dans l’original.