Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/498

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10 décembre la réunion de laquelle elle espérait faire sortir une organisation ouvrière nationale. Louis Bertrand explique en ces termes ce qui se passa :

« Ce n’était pas chose facile. Les anciens de l’Internationale, à Bruxelles surtout, Brismée, Steens, Verrycken, Standaert et d’autres, conservaient l’espoir de voir revivre la grande Association et regardaient comme sacrilège le fait de tenter l’organisation d’un autre groupement embrassant tout le pays. De Paepe, qui, tout en étant encore membre de l’Internationale, nous encourageait dans nos tentatives, fut blâmé fortement et faillit même être exclu de la Section bruxelloise. D’un autre côté, la méthode nouvelle, c’est-à-dire l’action à la fois politique et économique des ouvriers, n’avait pas encore obtenu l’adhésion de tous les travailleurs organisés, et il y eut là encore bien des résistances à vaincre. Il fallut donc se montrer très prudent, ne pas mécontenter les internationalistes et ne pas affirmer trop vigoureusement la tendance nouvelle, et ce pour réunir le plus d’adhésions possible... On voulait grouper en une seule organisation toutes les associations ouvrières et socialistes belges : mais quels seraient le programme et les statuts du parti nouveau ? Les Flamands, Gantois et Anversois, préconisaient l’adoption du programme du Parti socialiste allemand ; les Bruxellois étaient, en majorité, du même avis ; mais les Wallons de Verviers, du Centre et de Charleroi montraient encore quelque répugnance à faire de l’agitation politique et à inscrire la revendication du suffrage universel en tête du programme... Nous proposâmes, en guise de conciliation, que l’accord existerait sur le but économique et social commun à tous, mais que la participation au mouvement politique serait facultative pour les groupes qui ne voulaient pas encore en entendre parler. Cette proposition fut mal accueillie par les socialistes flamands, et l’on se sépara sans avoir rien fait de bien sérieux. »

Mais la question devait être reprise l’année suivante.


L’Angleterre subissait une crise industrielle. « Les quatre grandes industries du pays, fer, acier, houille, et coton, vont mal », nous écrivait le correspondant du Bulletin. « Mais les patrons ne veulent aucunement renoncer aux gros bénéfices qu’ils réalisaient : en conséquence, on diminue le salaire de l’ouvrier. Les diminutions se font de 10, 15, et même parfois de 25 pour cent. Tout ce qui avait été gagné pendant ces vingt dernières années par des grèves se perd donc au premier ralentissement de l’industrie. »


Dans son numéro du 3 décembre, le Bulletin raconta une émeute qui avait eu lieu sur le domaine de Zazonskowa, près de Neumarck (Prusse) : un certain nombre de paysans, irrités des procédés de l’inspecteur, le menacèrent et le battirent ; le propriétaire et son beau-frère vinrent à son secours, et le beau-frère tua un paysan d’un coup de feu ; mais les deux seigneurs durent alors se réfugier dans leur maison, où ils furent assiégés ; l’émeute finit par l’arrestation de deux paysans désignés comme meneurs. « Ce fait — conclut le Bulletin — prouve que le tempérament révolutionnaire n’est pas propre seulement aux têtes brûlées d’Espagne et d’Italie, et que, malgré le programme légal et la tactique parlementaire prônés dans d’autres pays, on le trouve partout où il y a des exploités qui ont intérêt à un changement immédiat de l’ordre de choses actuel. »


La commission de correspondance du Congrès de Berne avait envoyé à l’Association démocratique de Patras le Compte-rendu du Congrès. Celle-ci répondit, en décembre, par une lettre disant : « Si nous avons bien compris votre pensée, nous sommes persuadés qu’il y a complète harmonie entre nos idées et les principes de votre programme. Ayant grand désir d’établir des relations plus intimes avec vous, nous commencerons dès ce jour avec vous une correspondance régulière. »


La Section internationale de Montevideo, qui n’avait pu être prévenue en temps utile de la date exacte du Congrès de Berne, avait adressé au Comité fédéral jurassien un mandat qui n’arriva qu’au commencement de décembre. La lettre d’envoi disait entre autres : « Veuillez nous envoyer l’adresse des