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cipation du travail. Mais en même temps nous estimons avoir, de notre côté, le droit de dire toujours notre opinion, non seulement sur ce qui se fait chez nous, mais aussi sur le mouvement ouvrier des pays voisins ; et nous pensons que des discussions de la presse socialiste, pourvu qu’elles soient conduites dans un esprit de bienveillance réciproque, il ne peut sortir que du bien.


Lorsque Pierre Kropotkine, en janvier 1877, se rendit de Londres en Suisse, pour s’y joindre à la Fédération jurassienne (voir plus loin p. 140). il traversa la Belgique, et s’arrêta quelques jours à Verviers, où il avait des amis depuis son voyage de 1872[1]. Son but était d’apprendre quelles causes avaient pu éloigner les uns des autres les hommes qui avaient formé pendant des années le groupe du Mirabeau, et de tâcher de ramener l’union dans ce milieu où la discorde était entrée. Il revit les ouvriers avec lesquels il s’était lié cinq ans auparavant : mais il n’obtint pas un résultat immédiat ; le Mirabeau resta pour le moment sous l’influence de Sellier ; et ce fut seulement quelques mois plus tard que ceux des Verviétois qui s’étaient laissé égarer finirent par ouvrir les yeux.

Le Bulletin du 4 mars publia ce qui suit : « Nous voulons mettre sous les yeux de nos lecteurs quelques lignes que nous avons trouvées dans l’avant-dernier numéro du Werker d’Anvers, et qui nous ont paru assez curieuses. Ce journal a ouvert une souscription socialiste permanente, et il publie chaque semaine la liste des sommes versées. Les souscripteurs ont l’habitude, au lieu d’écrire leur nom, de joindre à leur offrande une devise ou une phrase caractéristique, que le journal imprime en regard de la somme versée, ce qui donne à la liste de souscriptions un aspect original, moins monotone que celui des listes ordinaires. Or, dans le Werker du 18 février, nous trouvons une liste de souscriptions venant toutes de Bruxelles, et voici ce que nous y lisons entre autres :

« Un internationaliste convaincu           fr.                     0,40
« L’Internationale, c’est la formule révolutionnaire           ——                     0,25
« Hors de l'Internationale point de salut pour le prolétariat, le mouvement politique aidant           ——                     0,25
« Vive la Commune et le pétrole !           ——                     0,25
Un fédéraliste           ——                     0,10
« Plus d’autorité !           ——                     0,10
« Plus de centralisation !           ——                     0,10
« Autonomie des groupes           ——                     0,10
Égalité et liberté pour tous           ——                     0,10
« Un communiste           ——                     0,10
« Plus d’anarchie, ni d’autorité, mais l’égalité et la liberté par l’organisation des groupes économiques et la législation directe           ——                     0,10
« Vive l’État populaire, délégation des Communes fédérées !           ——                     0,10

« Ce petit tableau nous paraît représenter assez bien l’état actuel des esprits au sein du mouvement ouvrier belge. Les uns sont restés anti-autoritaires et fédéralistes, et disent : Plus d’autorité, plus de centralisation, autonomie des groupes ! D’autres se déclarent franchement communistes, c’est-à-dire autoritaires et gouvernementaux, et veulent appeler le mouvement politique au secours de l’Internationale. D’autres enfin essaient une synthèse impossible entre des termes qui s’excluent : ils voudraient nous faire avaler l’État populaire en le représentant comme la délégation des Communes fédérées ; ou bien, repoussant à la fois l’anarchie et l’autorité, ils prétendent concilier l’organisation des groupes économiques (programme jurassien) avec la législation directe (programme de la Tagwacht).

  1. Après son court séjour dans le Jura en mars 1872 (voir t. II, pages 266-267), il avait poussé jusqu’en Belgique, et y avait visité les ouvriers de Verviers.