Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/585

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Des conférences furent faites, en allemand, à la Chaux-de-Fonds, le 29 mai, et à Saint-Imier le 30 mai, par Kachelhofer, sur le programme et la tactique de l’Internationale. Ses auditeurs de langue allemande l’écoutèrent avec beaucoup d’attention, et ne lui ménagèrent pas les applaudissements ; à la Chaux-de-Fonds, l’un d’eux prit la parole pour exprimer ses sympathies envers les Jurassiens, et pour protester contre la manière d’agir du comité d’organisation de la manifestation de Zürich et contre la résolution prise au Congrès de Neuchâtel d’exclure de l’Arbeiterbund les membres de l’Internationale.

Une Section de l’Internationale se fonda à la fin de mai à Fleurier (Val de Travers), et fit adhésion à la Fédération jurassienne.

Je dois signaler un article écrit par Kropotkine pour le Bulletin (10 juin), dans lequel il citait l’opinion d’un journal socialiste américain, le Labour Standard de New York, sur les lois de réforme ouvrière. Une loi votée par le Congrès des États-Unis avait réduit à huit heures la journée de travail dans tous les ateliers de l’État ; mais la Cour suprême ruina par un simple arrêt l’autorité de cet acte législatif, en décidant que la loi des huit heures n’était qu’un avis donné par le gouvernement à ses agents, et qu’elle ne devait nullement empêcher ceux-ci de contracter des engagements aux termes desquels la journée de travail serait de plus ou de moins (!) de huit heures :


« Ceci, dit le Labour Standard, apprendra aux ouvriers à ne pas se fier au Congrès, et à n’avoir confiance que dans leurs propres efforts. Aucune loi du Congrès ne saurait être d’aucune utilité pour l’ouvrier, s’il n’est pas organisé pour pouvoir l’imposer de force. Et, si les ouvriers sont assez forts pour faire cela, s’ils arrivent à constituer solidement la fédération de leurs organisations de métiers, alors ils pourront non-seulement forcer les faiseurs de lois à faire des lois efficaces sur les heures de travail, sur l’inspection, etc., mais ils pourront alors faire la loi eux-mêmes, en décidant que désormais aucun ouvrier du pays ne travaillera plus de huit heures par jour[1] »

C’est le bon sens pratique d’un Américain qui dit cela, et il a raison. Mais alors l’ouvrier — et c’est ce que le journal américain oublie de dire — imposerait encore autre chose que la journée de huit heures ; il imposerait l’article du programme du parti ouvrier américain qui dit : « Nous exigeons que tous les instruments de travail (terre, machines, chemins de fer, télégraphes, canaux, etc.) deviennent la propriété commune de tout le peuple », article que les chefs du parti américain, absorbés par leur propagande pour les buts soi-disant pratiques, commencent déjà à oublier, comme a oublié la partie révolutionnaire de son programme le parti ci-devant socialiste allemand.


Dans les premiers jours de juin, grâce à la propagande faite par Costa parmi les ouvriers italiens travaillant à Berne, il se reconstitua dans cette ville une Section de langue italienne[2].

De la conférence faite par Costa le 9 juin à Genève, le correspondant genevois du Bulletin n’a malheureusement pas rendu compte ; il s’est borné à cette mention : « Le compagnon Costa a admirablement développé son sujet, la Propagande par le fait. Cette conférence, spirituellement et humoristiquement faite, (en français), est une des meilleures que nous ayons jamais entendues. »

  1. À rapprocher des articles du Bulletin du 1er novembre 1874 et 28 février 1875 t. III, pages 241 et 276.
  2. Je me rappelle que, me trouvant de passage à Berne, j’assistai à l’une de ces réunions où Costa adressait aux ouvriers italiens des harangues enflammées, et que je me sentis très remué par sa parole entraînante.