Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/587

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


« En restant ici, vous nous aidez à lutter contre un ennemi tout aussi dangereux que le gouvernement espagnol, — contre l’intrigue marxiste.

« Naturellement, la décision vous appartient ; mais mon idée est que, pendant que vous restez en Occident, vous devriez, vous occuper essentiellement de propagande el d’organisation ; si vous voulez vous battre, vous avez un champ de bataille plus convenable que l’Espagne, — alors rentrez en Russie et formez-y une bande.

« Malatesta vient de me faire parvenir hier, par une voie sûre, un récit de leur expédition et de leur arrestation. Ce récit paraîtra dans huit jours au Bulletin. En attendant, je vous en extrais la fin ; le mystère de cette arrestation sans combat se trouve enfin expliqué : « Finalement, comme je te le disais en commençant, l’eau et la neige nous ont perdus. Nous étions cernés de tous côtés. » [suit la traduction de tout le passage final de la lettre de Malatesta, se terminant ainsi :] … « nos armes n’auraient pas pris feu dans une fournaise. Maintenant nous sommes en prison, etc. » (voir à la page suivante).

« Salut cordial.           J. Guillaume, 3 juin 1877. »

Le Bulletin du 10 juin publia en effet, sous la rubrique Italie, ce qui suit :


Nous avions été jusqu’à présent sans aucune nouvelle directe de la tentative révolutionnaire faite par une trentaine d’internationaux (Cafiero, Malatesta, etc.) dans le Bénévent. Enfin nous venons de recevoir des renseignements authentiques et dignes de foi. La Commission de correspondance de la Fédération italienne nous adresse le récit suivant, recueilli de la bouche de l’un des insurgés[1]. Nous le reproduisons, en conservant les termes mêmes employés par le narrateur[2] :

« Mille causes ont concouru à notre insuccès ; mais plus que toutes les autres, deux y ont contribué tout particulièrement : 1° le fait de n’avoir pas eu le temps de compléter notre organisation ; 2° la mauvaise saison, la neige et la pluie qui nous ont paralysés.

« En effet, il n’était encore arrivé qu’un quart à peine des amis que nous attendions, lorsque la troupe, précédée d’une avant-garde de carabiniers, vint pour nous surprendre[3] : nous fûmes obligés de gagner les montagnes sans attendre les autres. C’était de nuit ; le lendemain matin, nous apprîmes par des paysans que, dans une rencontre survenue pendant la nuit, deux carabiniers avaient été blessés. Quelques amis, par un heureux hasard, réussirent encore à nous rejoindre ; mais ils étaient sans armes, et nous dûmes partager avec eux celles que nous avions. Nous sommes restés en campagne six jours, et nous avons fait le plus de propagande possible. Nous sommes entrés dans deux communes[4] : nous y avons brûlé les archives, les registres d’impôt, et tous les papiers officiels sur lesquels nous avons pu mettre la main ; nous avons distribué au peuple les fusils (hors d’usage, il est vrai) de l’ex-garde nationale, les haches séquestrées aux paysans pendant

  1. La Commission de correspondance était composée (voir p. 68, note 1) de Cafiero. de Grossi, et de Pezzi. Cafiero et Grassi étaient en prison tous les deux, le premier à Santa Maria Capua Vetere, le second à Bénévent, où étaient détenus les huit internationaux arrêtés à Solopaca et à Pontelandolfo. C’était Pezzi qui m’avait envoyé la lettre de Malatesta.
  2. Des copies de cette lettre de Malatesta furent envoyées, par les soins de Pezzi, aux diverses Fédérations régionales de l’Internationale, ainsi qu’aux fédérations de l’Italie. Le texte italien de la lettre a été réimprimé par Alfredo Angiolini dans son ouvrage Cinquant’anni di socialismo in Italia, 2e édition, p. 94.
  3. À San Lupo, près Cerreto (province de Bénévent), le soir du 5 avril.
  4. Le 8, après avoir gagné la province de Caserte.