Aller au contenu

Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/626

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

duit partout une bonne impression. Des listes de souscription en faveur de nos amis emprisonnés circulent parmi les membres de la Fédération italienne ; chaque international tient à y inscrire son nom et à apporter son obole à ces amis qu’il estime et qui pendant longtemps peut-être seront privés de leur liberté... Notre Commission de correspondance vient de publier une nouvelle circulaire, où elle annonce la date des deux prochains Congrès qui se tiendront en Belgique. On espère que, malgré les difficultés de l’heure présente, la Fédération italienne pourra envoyer quelques délégués... Au moment de cacheter ma lettre, j’apprends la mise en liberté de notre ami Emilio Covelli et de quelques autres de nos compagnons qui avaient été arrêtés comme complices à propos de l’affaire du Bénévent. »

Je place ici une lettre écrite (en français) par Kraftchinstky, de la prison de Santa Maria Capua Vetere[1], à ses amis russes séjournant en Suisse ; cette lettre se trouvait parmi les papiers laissés par Kropotkine à Gustave Jeanneret :


Carceri giudiziarie li Luglio 17.
di
Santa Maria Capua Vetere Vitto
--------
Corrispondenza Detenuti. pel Direttore
Giudicabili S. Persa
Mes chers amis et amies,

Il ne faut pas, je crois, vous écrire combien vos lettres me sont intéressantes. Mais dans les questions de politique un journal est toujours plus intéressant. Vu les exigences du procurât (sic), je vous prierais de bannir les contestations politiques qui empêchent, comme vous savez, de recevoir les lettres à temps. Cherchez plutôt des sujets domestiques et personnels. Je comprends que pour Lenz, défenseur zélé des libertés slaves, partageant tous les chagrins et les espérances de nos frères, c’est assez dur, mais mon opinion est que nécessité fait vertu. Puisque nous sommes prisonniers, il faut que nos lettres s’y conforment.

J’ai reçu avec plaisir mon Marx, Comte et Ferrari, en un mot toute ma petite bibliothèque. Quelle que soit la société, on a des tendances bouquinistes en prison. Moi j’ai retenu cette prédisposition faite pendant mes longues années d’études, et maintenant j’en suis bien aise. Cela forme ma principale sauvegarde contre l’ennui Notre correspondance avec Marie[2] s’est établie ; j’ai reçu durant la semaine passée des lettres dictées par Marie, assez lisibles. Ainsi nous n’aurons plus à jouer malgré nous à la mosca cieca[3] d’un genre nouveau. Quant à ma santé, soyez complètement tranquilles. Mon système, soutenu avec rigueur, aura chassé bien vite toute langueur et indisposition.

Notre correspondance avec Lenz doit acquérir un intérêt beaucoup plus grand en cessant d’être toute particulière. Déjà depuis longtemps je prie

  1. Tandis que les sept autres socialistes arrêtés à Solopaca et à Pontelandolfo étaient détenus à Bénévent, Kraftchinsky avait été transféré à Santa Maria Capua Vetere, où se trouvaient les socialistes composant la bande capturée le 11 avril. Je suppose que la raison de cette mesure était l’impossibilité où se fût trouvé le personnel de la prison de Bénévent de se faire entendre de Kraftchinsky, qui ne parlait que le russe et le français, et de lire sa correspondance.
  2. Probablement Mme Volkhovskaïa.
  3. Colin-Maillard.