Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/674

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croire ainsi à la possibilité d’une solution légale et pacifique. Par contre, l’auteur anonyme de l’article révolutionnaire déclare nettement que le cataclysme en question est fatal, que rien désormais ne peut arrêter la chute de la société moderne, et qu’au socialisme incombe la grande tâche de détruire les restes pourris de la société actuelle.

Cette manière de faire de la propagande à double sens, de dire oui et non à la fois, d’être révolutionnaire à la page 44 et parlementaire à la page 12, témoigne d’une grande confusion dans l’état des idées en Belgique. Espérons que cette confusion aura un terme, que les idées s’éclairciront, et que les esprits qui, à l’heure qu’il est, hésitent entre deux voies contraires, finiront par se rallier à la seule solution logique, à la solution révolutionnaire.


Le Bulletin reproduisait, à la suite de ces réflexions, l’article Socialisme et Bourgeoisisme, en se déclarant complètement d’accord avec ses conclusions.

Louis Bertrand tailla sa meilleure plume, et nous adressa la lettre suivante, que publia le Bulletin du 2 décembre :


Bruxelles, 24 novembre 1877.

Compagnons, Ou me communique à l’instant le numéro de votre journal du 18 novembre, et j’y trouve quelques observations à propos des articles contenus dans l’Almanach de l’ouvrier pour 1878, publié par la Chambre du travail. Permettez-moi de répondre brièvement à ces observations.

Vous semblez étonnés de voir insérés dans la même brochure des articles dont les uns tendent à démontrer la nécessité, pour la classe ouvrière, de s’occuper des questions politiques, en vue des améliorations actuelles, et dont les autres (d’après vous) aboutissent à la solution révolutionnaire. Mes amis et moi, qui sommes partisans de la lutte politique contre la bourgeoisie, et qui acceptons les améliorations actuelles dans la situation de la classe prolétaire, nous n’avons jamais dit ou écrit que nous croyions voir résoudre le problème social par voie parlementaire.

Non ; nous nous occupons de la lutte actuelle sur le terrain légal, comme moyen de propagande, tout simplement.

De même que nous ne prétendons pas voir le problème social se résoudre par le système parlementaire, de même nous ne croyons pas que la solution de ce problème doive nécessairement avoir lieu par la force, par la révolution brutale[1].

C’est ce qui explique que tout en appartenant à cette fraction du socialisme que vous appelez « socialisme parlementaire et légal », nous ne repoussons pas le recours à la force et ne nions pas au peuple son droit à l’insurrection.

Voilà pourquoi, à côté des articles préconisant les réformes légales apportées actuellement dans la condition du peuple, vous avez pu trouver un article qui, dans ses tendances, est plus révolutionnaire.

  1. Mais puisque Louis Bertrand déclare, comme nous, que le problème social ne peut pas être résolu par la voie légale et parlementaire, il lui faut bien, en bonne logique, admettre que la solution en doit nécessairement avoir lieu par une autre voie, — laquelle ne peut être que l’action ouvrière organisée, en d’autres termes le « syndicalisme révolutionnaire ». Existerait-il une troisième voie ?