Aller au contenu

Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Ce jour-là, Buisson faisait à Neuchâtel une nouvelle conférence. Il conclut en proposant aux apologistes de l'orthodoxie un débat public, dans lequel ceux-ci, la Bible ou un manuel d'histoire sainte à la main, auraient à démontrer que Buisson avait, comme ils le prétendaient, grossièrement travesti et dénaturé les textes. Le pasteur Fréd. Godet fit d'abord mine de vouloir accepter le défi ; mais, comme il ne consentait à défendre la Bible et l'histoire sainte qu'en refusant de lire en public ou la Bible ou un manuel d'histoire sainte, le duel en champ clos ne put avoir lieu[1].

Le dimanche, aux élections municipales complémentaires du Locle, les « verts » étaient venus en phalange serrées : ils s'attendaient à une nouvelle tentative de notre part pour faire voter les trois propositions présentées le 13 décembre. Mais nous avions renoncé à engager contre eux une bataille où leur supériorité numérique devait leur donner une victoire certaine ; et si nous étions allés mettre nos bulletins dans l'urne, c'était seulement, comme je l'ai déjà indiqué, pour pouvoir dire ensuite à nos alliés les radicaux qu'il fallait songer à des moyens plus efficaces de faire triompher nos idées, en donnant à la propagande une orientation nouvelle.

L'après-midi du même jour eut lieu une assemblée de la Section de l'internationale, dans laquelle je rendis compte de ma délégation au Congrès de Genève ; et le lundi soir le comité de la Section arrêta les mesures à prendre en vue de la conférence du professeur Kopp, qui avait été fixée au samedi 16 janvier : il fut décidé que la réunion serait suivie d'un banquet.

Le mardi 12 parut le deuxième numéro du Progrès. Le premier article, L'École et l'Église, traitait la question de la laïcité de l'école ; il démontrait que, dans la République neuchâteloise, en dépit de la constitution, les écoles soi-disant laïques étaient en réalité des écoles confessionnelles, puisque l'instituteur y donnait une partie de l'enseignement religieux ; il dénonçait comme une violation de la constitution une disposition du règlement fait par la Commission d'éducation du Locle pour les écoles primaires placées sous sa surveillance, disposition ainsi conçue : « Les instituteurs et institutrices chercheront à former le caractère moral des élèves, en donnant à leur enseignement une tendance chrétienne ». Une étude sur l'impôt résumait les critiques adressées par Proudhon à l'impôt soi-disant proportionnel, en montrant que, par le fait de la répercussion, l'impôt tend à se confondre avec le prix des choses, et par conséquent à se répartir sur la masse des citoyens, qui paient ainsi, au lieu d'une contribution proportionnelle, une capitation égale pour tous. Enfin, un article traduit du Vorbote de J. Ph. Becker (la traduction était empruntée à la Liberté de Genève) donnait le commencement d'un rapport sur la grève des rubaniers qui avait éclaté en novembre dans le canton de Bâle, et qui durait encore. Le numéro se terminait par l'annonce suivante :


Samedi 16 courant, à 8 heures du soir,
Au Cercle international (grande salle), chez Mme Frey :
Le socialisme jugé par la science moderne,
par M. le professeur Kopp, de Neuchâtel.
Les dames sont particulièrement invitées à assister à cette conférence.


Un avis expliquait qu'on pouvait s'abonner pour une série de dix numéros, en envoyant la somme de 1 fr. 20 à l'adresse de la rédaction du Progrès.

Ce second numéro trouva autant de lecteurs que le premier : dès le

  1. Le protestantisme orthodoxe aux prises avec le protestantisme libéral, lettres échangées entre M. le ministre Godet et M. le professeur Buisson, Neuchâtel, 1869, in-8o, 10 pages.