Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/133

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travailler, et qu'il ne trouve point de travail ; s'il a faim et soif, et que la société ne s'inquiète pas de ses privations ; en un mot, s'il n'a d'autre liberté que celle de mourir de faim, l'homme n'est pas libre.

L'orateur a fait voir ensuite les modifications survenues dans le droit de propriété, depuis l'origine des sociétés : les rois se sont d'abord déclarés les maîtres uniques du sol ; peu à peu la propriété s'est morcelée ; le sol a été partagé entre un certain nombre de seigneurs et de corporations qui le faisaient cultiver par des serfs ; puis, la bourgeoisie eut sa part du gâteau. Les lois qui régissent la propriété ne sont donc pas immuables ; elles ont changé, et elles changeront encore. La propriété n'est point un droit naturel, comme on l'a prétendu si longtemps, c'est une institution sociale ; et ce que la société a établi, elle peut le modifier toutes les fois que l'intérêt général l'exige[1].

Quelle sera la modification nouvelle apportée à la propriété par le progrès social ? Il est difficile de le dire d'une manière précise ; mais ce qu'on peut affirmer au moins, c'est que toute tentative ayant pour but de morceler davantage la propriété, pour arriver à en donner un lopin à chaque citoyen, est contraire à la science, contraire à la loi sociale qui pousse de toutes parts à la grande industrie et à la grande culture.

M. Kopp, abordant ici le terrain de la politique pratique, a ajouté avec beaucoup de raison : La question sociale peut se résoudre chez nous pacifiquement et par voie législative ; mais elle ne se résoudra qu'à une condition : c'est que les ouvriers et les paysans cessent de choisir leurs représentants parmi l'aristocratie financière, et qu'ils ne confient le mandat de député qu'à des hommes sincèrement dévoués à la cause du prolétariat, à des hommes pris dans leurs rangs.

Nous voudrions pouvoir analyser dans son entier cette excellente conférence : mais le peu d'espace dont nous disposons ne nous le permet pas. Nous relèverons seulement encore les intéressants développements dans lesquels M. Kopp a fait voir que, si l'accroissement indéfini des richesses est une chimère, parce que la quantité de matière est limitée par la nature, il est cependant possible d'accroître le bien-être général, sans augmenter la somme des richesses, en en accélérant la circulation ; et il a très ingénieusement rapproché sa théorie de la circulation des produits, de ces grandes lois de la physique moderne qui s'appellent la théorie mécanique de la lumière, de la chaleur, de l'électricité, et qui montrent le mouvement multipliant en quelque sorte la matière.

La conclusion de M. Kopp a été que le socialisme n'est pas une utopie, et que la science, bien loin de le désavouer, est sa puissante alliée. Au cri plein d'angoisse et d'espoir jeté par les travailleurs : Est-il possible de détruire la misère et de fonder la société sur la justice ? la science répond : Oui, cela est possible, et cela sera.


L'article de David Perret était une fantaisie sur ce thème, que « la conduite de MM. les ministres envers M. Buisson était un exemple frappant de l'inutilité de l'enseignement du catéchisme ». Il citait les demandes et

  1. Il est à remarquer que la Déclaration des droits de l'homme de Robespierre contient déjà en germe ce principe, car on y lit : « La propriété est le droit qu'a chaque citoyen de jouir et de disposer de la portion de biens qui lui est garantie par la loi. » (Note du Progrès.)