Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/148

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dissoute n’en continuèrent pas moins leur action collective, comme par le passé ; et c’est pour cela, évidemment, que Bakounine jugea inutile de me parler d’un incident qui ne devait influer en rien sur les relations que nous venions de nouer.

Dans les conversations qui eurent lieu au Cercle international, Bakounine parla à ses auditeurs de l’Alliance fondée à la suite du Congrès de Berne : il en avait apporté le programme et le règlement (un petit imprimé de quatre pages, dont j’ai conservé des exemplaires). Il nous donna lecture de ce programme, qui plut généralement ; et il demanda si, parmi les membres de l’Internationale au Locle, il ne s’en trouverait pas qui voulussent constituer un groupe local de l’Alliance, comme il en existait un à Genève. Malgré la sympathie qu’inspirait Bakounine, on résista, amicalement mais fermement, au désir qu’il exprimait : on lui dit qu’il ne serait pas bon, à notre avis, de constituer, à côté de la Section de l’Internationale, un groupe qui comprendrait les éléments les plus avancés ; et que, précisément parce que nous trouvions le programme de l’Alliance de notre goût, nous voulions faire la propagande de ses principes dans le sein de la Section, et chercher à y gagner tout le monde. Les imprimés que Bakounine avait apportés furent libéralement distribués à tous ceux qui en demandèrent ; et, si les socialistes loclois refusèrent de constituer un groupe de l’Alliance, on peut dire que presque tous se déclarèrent adhérents à son programme.

C’est à cet endroit que j’ai cru devoir placer le texte de ce programme, parce que c’est à l’occasion de la visite de Bakounine au Locle que les socialistes des Montagnes neuchâteloises apprirent ce que c’était que l’Alliance :


Programme de l’Alliance internationale de la démocratie socialiste.

1. L’Alliance se déclare athée ; elle veut l’abolition des cultes, la substitution de la science à la foi et de la justice humaine à la justice divine.

2. Elle veut avant tout l’égalisation politique, économique et sociale des classes et des individus des deux sexes, en commençant par l’abolition du droit de l’héritage[1], afin qu’à l’avenir la jouissance soit égale à la production de chacun, et que, conformément à la décision prise par le dernier Congrès des ouvriers à Bruxelles, la terre, les instruments de travail, comme tout autre capital, devenant la propriété collective de la société tout entière, ne puissent être utilisés que par les travailleurs, c’est-à-dire par les associations agricoles et industrielles.

3. Elle veut pour tous les enfants des deux sexes, dès leur naissance à la vie, l’égalité des moyens de développement, c’est-à-dire d’entretien, d’éducation et d’instruction à tous les degrés de la science, de l’industrie et des arts, convaincue que cette égalité, d’abord seulement économique et sociale, aura pour résultat d’amener de plus en plus une plus grande égalité naturelle des individus, en faisant disparaître toutes les inégalités factices, produits historiques d’une organisation sociale aussi fausse qu’inique.

4. Ennemie de tout despotisme, ne reconnaissant d’autre forme politique que la forme républicaine, et rejetant absolument toute alliance réactionnaire, elle repousse aussi toute action politique qui

  1. Cette phrase fut modifiée plus tard de la façon suivante par le groupe de Genève (séance du 17 avril 1869 ; voir ci-après page 141) : « Elle veut avant tout l’abolition définitive et entière des classes et l’égalisation politique, économique et sociale des individus des deux sexes, et, pour arriver à ce but, elle demande avant tout l’abolition du droit de l’héritage… »