Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas d'engendrer graduellement un programme théorique commun.

Ainsi, il est en dehors des fonctions du Conseil général de faire l'examen critique du programme de l'Alliance. Nous n'avons pas à rechercher si oui ou non c'est une expression adéquate du mouvement prolétaire. Pour nous, il s'agit seulement de savoir s'il ne contient rien de contraire à la tendance générale de notre association, c'est-à-dire l'émancipation complète de la classe ouvrière.


Et ici, le rédacteur de la lettre[1] faisait remarquer que les mots égalisation des classes prêtaient à l'équivoque :


Ce n'est pas l’égalisation des classes, — contre-sens logique, impossible à réaliser, — mais au contraire l'abolition des classes, ce véritable secret du mouvement prolétaire, qui forme le grand but de l'Association internationale des travailleurs. Cependant, considérant le contexte dans lequel cette expression égalisation des classes se trouve, elle semble s'y être glissée comme une simple erreur de plume. Le Conseil général ne doute pas que vous voudrez bien éliminer de votre programme une expression prêtant à des malentendus si dangereux.

À la réserve des cas où la tendance générale de notre Association serait directement contredite, il correspond à nos principes de laisser chaque section formuler librement son programme théorique. Il n'existe donc pas d'obstacle pour la conversion des sections de l'Alliance en sections de l'Association internationale des travailleurs.


Aussitôt que le Bureau central de l'Alliance eut reçu cette réponse, il en fit part aux groupes de l'Alliance, en les invitant à se constituer en Sections régulières de l'Internationale, tout en gardant leur programme, et à se faire reconnaître comme telles par le Conseil général de Londres. Le groupe de Genève, après avoir entendu la lecture de la lettre de Londres dans sa séance du 17 avril, procéda à l'élaboration de nouveaux statuts, qui furent adoptés à la date des 17 et 24 avril ; il remplaça, dans le programme, la phrase : « Elle (l'Alliance) veut avant tout l'égalisation politique, économique et sociale des classes et des individus » par celle-ci : « Elle veut avant tout l'abolition définitive des classes et l'égalisation politique, économique et sociale des individus ». L'article 1{(er}} du règlement disait : « Le groupe genevois de l'Alliance de la démocratie socialiste, voulant appartenir exclusivement à la grande Association internationale des travailleurs, constitue une Section de l'Internationale, sous le nom de l’Alliance de la démocratie socialiste, mais sans autre organisation, bureaux, comités et congrès que ceux de l'Association internationale des travailleurs ». Dans son assemblée générale du 1er mai, la Section de l'Alliance élut son comité, dont firent partie entre autres Bakounine, J.-Ph. Becker, Heng (qui venait de quitter la Chaux-de-Fonds pour Genève), et Perron. Quant au Bureau central, il n'avait plus de raison d'être, et prononça sa propre dissolution dans le courant de juin. — On trouvera la suite de ce qui concerne la Section de l'Alliance au chapitre X de cette Deuxième Partie.


Une nouvelle grève des ouvriers du bâtiment, à Genève, avait éclaté dans la première moitié de mars ; et presque en même temps les typo-

  1. C'est Marx lui-même. Le fac-similé du brouillon de cette lettre, de la main de Marx, a été publié à Leipzig en 1904. Il y a quelques légères différences entre le texte du brouillon et le texte définitif : c'est Jung sans doute, le secrétaire pour la Suisse, qui a francisé le style du maître.