Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Que votre mot d'ordre soit : Guerre aux choses, et paix aux hommes !


Cet article fut reproduit par l’Égalité du 16 avril, et par plusieurs autres organes socialistes : et tout récemment j'ai été non moins touché que surpris de le retrouver une fois de plus imprimé dans le livre d'Anselmo Lorenzo paru à Barcelone en 1902, El Proletariado militante. Le vétéran du mouvement ouvrier espagnol ignorait le nom de celui auquel il a adressé, après plus de trente années, un remerciement ému pour avoir exprimé ce qui était dans nos cœurs à tous[1] : ces lignes le lui apprendront.

Après mon article venait, dans ce n° 7, la seconde lettre de Bakounine « aux compagnons de l'Association internationale des travailleurs au Locle et à la Chaux-de-Fonds », datée du 28 mars, parlant de la bourgeoisie française à l'époque de la Restauration ; — un article extrait de l’Internationale de Bruxelles, intitulé « Les institutions actuelles de l'Internationale au point de vue de l'avenir » : l'Internationale « porte dans ses flancs la régénération sociale ; elle offre déjà le type de la société à venir, et ses diverses institutions, avec les modifications voulues, formeront l'ordre social futur ; que dans chaque commune il s'établisse une Section de l'Internationale, et la société nouvelle sera formée et l'ancienne s'écroulera d'un souffle », disait l'auteur, en qui j'avais reconnu mon ami De Paepe à cette image finale : « Ainsi, lorsqu'une plaie se cicatrise, l'on voit au-dessus se former une escarre, tandis que la chair se reforme lentement en dessous ; un beau jour, la croûte tombe, et la chair apparaît fraîche et vermeille » ; — enfin, des détails sur la grève des tailleurs de pierre, marbriers et maçons, et sur celle des typographes, à Genève.


Le 13 avril, Bakounine m'écrivait la lettre suivante :


Je me dépêche de t'envoyer mon article. Tu verras, à la façon dont il est écrit, que je suis écrasé de travail. Tâche de le lire et de le corriger s'il le faut... À cette heure je suis excessivement occupé par ce qui se passe en Russie. Notre jeunesse, la plus révolutionnaire peut-être, tant en théorie qu'en pratique, qui existe au monde, s'agite au point que le gouvernement a été forcé de fermer les universités, académies, et plusieurs écoles, à Saint-Pétersbourg, à Moscou et à Kazan. J'ai maintenant ici un spécimen[2] de ces jeunes fanatiques qui ne doutent de rien et qui ne craignent rien, et qui ont posé pour principe qu'il en doit périr sous la main du gouvernement beaucoup, beaucoup, mais qu'on ne se reposera pas un instant jusqu'à ce que le peuple se soit soulevé. Ils sont admirables, ces jeunes fanatiques, — des croyants sans Dieu et des héros sans phrases ! Papa Meuron aurait plaisir à voir celui qui loge chez moi, et toi aussi.

Ici nous devons procéder autrement. La jeunesse instruite nous manque, elle est toute réactionnaire ; et l'ouvrier est encore fort bourgeois. Il deviendra sauvage, je n'en doute pas ; mais il faut que quelques faits le transforment. — Et maintenant, je joue ici le rôle de réactionnaire. Les typographes, qui ont fort mal combiné et conduit

  1. « A la Internacional corresponde la gloria de haber inspirado el siguiente articulo : bendito sea su autor ! que, traducido à todas las lenguas de la civilizatión moderna, publicaron los periódicos obreros organes de la Asociación Internacional du los Trabajadores. » (p. 239.)
  2. C'est de Netchaïef qu'il s'agit. Netchaïef, venant de Russie, était arrivé en Belgique en mars 1869 ; avant la fin de mars il était à Genève, où il se mit immédiatement en rapports avec Bakounine.