Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/169

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dire exclusive, tous les moyens d'instruction que leur offre l'État.

Et qu'est-ce que l'État, si ce n'est l'exploitation, systématique et consacrée par la loi, des forces et du travail de la collectivité, au profit de la jouissance et de la civilisation d'une minorité possédante et privilégiée ? C'est la consécration du droit de cette minorité de s'approprier la propriété collective, ou en d'autres termes de voler, sinon honnêtement, du moins légalement, tout le monde[1].

Mais si nous supposons la société réorganisée sur la base de la propriété collective, et le droit d'héritage aboli, quel sera donc le sort de tous ces pauvres enfants qui naîtront déshérités ? Ne soyez pas inquiets. Leur sort sera bien préférable à celui que leurs parents peuvent leur offrir aujourd'hui. Actuellement, un ouvrier peut, par de longs et pénibles efforts, arriver à laisser à ses enfants quelques centaines de francs, mais peut-il se flatter, en leur léguant ce mince héritage, de leur avoir assuré une position ou seulement les moyens d'une instruction convenable, et de les avoir à jamais préservés du besoin ? Nous savons bien que non, et qu'ils seront toujours dans une situation bien précaire.

Au contraire, lorsque ce sera la société tout entière qui devra assurer l'avenir des enfants, lorsqu'elle se chargera, sans préjudice pour l'amour naturel des parents, non-seulement de leur instruction à l'école, mais encore de leur éducation, de leur entretien, de leur apprentissage, cela ne compensera-t-il pas largement les petites économies qu'aujourd'hui un père de famille, un ouvrier qui ne vole ou qui ne s'approprie pas le produit du travail des autres, peut laisser à ses fils ? Et les enfants qui auront pour mère la société tout entière ne seront-ils pas bien mieux placés que ceux qui ne peuvent compter que sur des parents bien intentionnés sans doute, mais qui peuvent à chaque instant être frappés par la maladie ou la misère ?

Les enfants des travailleurs n'ont donc rien à perdre à l'abolition du droit d'héritage et à l'établissement de la propriété collective ; ils ont au contraire tout à gagner. Ce ne seraient que les fils des millionnaires qui pourraient se plaindre du changement de leur position.

Mais puisque cette position est fondée sur l'injustice, qu'elle n'est possible que par la violation du droit de tout le monde, et que, pour la garantir et la préserver, il faut l'emploi du pouvoir de l'État, c'est- à-dire de la force de tout le monde, détournée au Profit de quelques-uns contre l'intérêt de tout le monde, nous n'avons pas à nous inquiéter de leur chagrin[2].

Et pourtant, il ne serait pas difficile de prouver que même leur position à eux sera devenue meilleure, car leurs parents, en leur laissant leur fortune, n'en font que des fainéants corrompus, vicieux, arrogants, tandis que la société, en les déshéritant et en leur donnant l'éducation de l'égalité, en fera des travailleurs utiles, des hommes justes.


Dans son numéro du 17 avril, l’Égalité avait reproduit deux documents venus de Paris. C'était, d'abord, une invitation (publiée dans le Siècle du 5 avril) adressée « aux députés de l'opposition libérale », et portant les signatures de Tolain, de Chemalé, et de quelques autres mutuellistes (Murat, Briosne, Longuet, J.-A. Langlois)[3], d'organiser une grande réunion dans laquelle les socialistes feraient con-

  1. Cet alinéa est de Bakounine.
  2. Cet alinéa est de Bakounine.
  3. On y lisait aussi celle d’un communiste, orateur de réunions publiques, G. Lefrançais