Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/227

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1° Que je suis un agent russe, ce dont il a des preuves irréfutables ;

2° Que mon évasion de la Sibérie a été favorisée par le gouvernement russe ;

3° Que par la fondation de l'Alliance j'ai cherché à nuire à l'Association internationale des travailleurs ;

4° Que le vieux Becker s'est laissé duper par l'astucieux Russe.

Je laisse de côté d'autres détails, dont chacun à vrai dire aurait mérité une gifle.

D'autre part, le même ami Wertheim m'a montré une lettre à toi adressée par M. Bebel, dans laquelle M. Bebel exprime en termes clairs cette opinion, que je suis probablement un agent du gouvernement russe, et que probablement je m'entends avec M. de Schweitzer comme agent de Bismarck[1].

J'aurais bien le droit de demander également raison à M. Bebel, car nul honnête homme ne doit se permettre de colporter par le monde à la légère, sur un simple ouï-dire, des calomnies contre un autre homme qui lui est totalement inconnu ; mais comme j'ai des raisons de croire que l'inspirateur [der geistige Urheber] de toutes ces calomnies est M. Liebknecht, qui m'est également tout à fait inconnu, je veux pour aujourd'hui m'en tenir à celui-ci.

Comme ami et coreligionnaire [Parteigienosse], je te prie, cher Becker, et comme frère de notre Alliance, à la fondation de laquelle tu as pris une part si active, je te requiers, de déclarer à M. Liebknecht, en mon nom, que je dois le supposer assez sérieux pour savoir que, quand on prend plaisir à calomnier quelqu'un, on doit avoir le courage de répondre de ce qu'on a dit, et qu'avant tout on a l'obligation de fournir à l'appui de ses paroles des preuves péremptoires.

Je lui donne un mois pour réunir contre moi toutes les preuves possibles. Au Congrès de Bâle il faudra, ou bien qu'il prouve publiquement mon ignominie, ou bien qu'il soit déclaré par moi, en présence de tous, une infâme canaille [eine infâme Canaille], en bon allemand un vil coquin [auf deutsch einen niederträchtigen Schurken].

Ton ami,        
M. Bakounine.

J'insiste, cher ami, pour que cette lettre soit communiquée non seulement à MM. Liebknecht et Bebel, mais aussi à tous les membres du Congrès, et, si possible, qu'elle soit lue dans une séance du Congrès à Eisenach.


Je reprends la citation du récit de Bakounine :


Arrivé à Bâle pour le Congrès, j'y rencontrai en effet mon accusateur. Ce que je devais faire m'était indiqué par le but même que je voulais atteindre : celui d'une explication décisive et complète en plein public ouvrier. Je devais donc m'abstenir, au moins dans le commencement, de toute provocation personnelle. Il me répugnait

  1. Voici le texte allemand de ce passage : «... hat mir einen an dich gerichteten Brief von Herrn Bebel gezeigt, in welchem Herr Bebel die Vermuthung klar ausspricht, dass ich, wahrscheinlicher Agent der russischen Regierung, wahrscheinlicher Weise mit Herrn von Schweitzer, ais Agenten Bismarcks, unter einer Decke stecke ».