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membre de l'Internationale sur la foi de quelques articles diffamatoires publiés par un journal bourgeois.

Cette déclaration me fut donnée par écrit. Je dois dire d'ailleurs que mon adversaire reconnut noblement devant tous qu'il avait été induit en erreur sur mon compte. C'était notre première rencontre : il me tendit la main, et je brûlai devant tous la déclaration écrite et signée du jury.

Sur la demande de mon ci-devant adversaire, je lui donnai mes discours de Berne, aussi bien qu'une série d'articles que j'avais publiés en 1867 dans un journal italien, Libertà e Giustizia, contre le panslavisme. Deux jours plus tard, dans la salle du Congrès, il s'approcha de moi et me dit : « Je vois que je me suis fait une idée absolument fausse sur votre compte. Vous êtes un proudhonien, car vous voulez l'abolition de l'État. Je vous combattrai dans mon journal, car mon opinion est toute contraire à la vôtre. Mais je vous prie de me laisser vos écrits : je les publierai, je vous dois cette satisfaction. »

Confiant dans cette promesse, j'attends encore[1].


Bakounine attendit en vain. Liebknecht ne fit pas connaître dans son journal la délibération du jury d'honneur, et ne publia pas une ligne des discours et articles que Bakounine lui avait remis. Par contre, il inséra des correspondances envoyées de Paris par Moritz Hess, correspondances dans lesquelles étaient rééditées les mêmes accusations que le jury d'honneur de Bâle avait déclarées infâmes et calomnieuses[2].

Voici, à propos des procédés de la coterie marxiste, un fait qui m'a été raconté en 1904 par R. S., et dont j'ai écrit le récit sous sa dictée : Dans l'été de 1869, il se trouvait à New York avec son ami S. S. ; ils lurent dans un journal socialiste allemand de cette ville, qu'il croit être l’Arbeiter-Union, un article disant, en résumé : « On nous écrit de Londres que Bakounine est un espion russe ». Aussitôt ils écrivirent au rédacteur du journal — rédacteur dont R. S. a oublié le nom — une lettre qu'ils lui portèrent, pour protester contre cette calomnie ; le rédacteur leur répondit verbalement que ce n'était pas une calomnie, ajoutant : « J'ai reçu ce renseignement de mon ami Karl Marx, qui me l'a écrit de Londres ». S. S. et R. S. connaissaient Sorge[3] ; ils s'adressèrent à lui, lui donnèrent toutes les explications qu'il fallait pour lui prouver que Bakounine n'était pas un espion ; Sorge dit qu'il se chargeait de faire comprendre au rédacteur qu'il avait été induit en erreur, et de faire insérer une rectification dans le plus prochain numéro du journal. Malgré cette promesse, aucune rectification ne fut publiée.


2° Blâme infligé à Coullery par le Congrès.

J'ai dit comment, pour se venger, Coullery, dès le surlendemain du meeting du Crêt-du-Locle, m'avait fait poursuivre par ministère d'huissier, me réclamant le paiement immédiat d'une somme de 633 fr. 55.

Lorsque Coullery avait été chargé de l'impression des procès-verbaux et des rapports du Congrès de Lausanne (voir p. 29), il avait promis que cette impression serait faite en six semaines. Mais différentes raisons, dont la principale fut l'extrême lenteur que l'imprimerie de la Voix de l'Avenir mit à exécuter sa besogne, retardèrent considérablement l'appa-

  1. Le document dont ces pages sont extraites, écrit en octobre 1869, a été publié pour la première fois par Max Nettlau, dans sa biographie de Bakounine, pages 360 et suivantes.
  2. Mémoire de la Fédération jurassienne, p. 85.
  3. Celui qui joua plus tard un si grotesque rôle au Congrès de La Haye.