Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/270

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bres de la Section internationale de Zurich. Quoiqu'ils viennent d'adopter une ligne de conduite bien différente de celle que nous croyons la bonne, il n'y a pas de différence essentielle entre leurs principes et les nôtres : ils ont voté avec nous au Congrès de Bâle pour la propriété collective.

Unis comme nous le sommes sur le terrain des principes fondamentaux, n'est-il pas regrettable qu'on n'ait pas songé à s'entendre pour une action commune ? Sans doute nos amis de Zurich ont eu de bonnes raisons pour se décider en faveur de la tactique qu'ils viennent d'inaugurer par la publication de leur journal ; mais ces raisons, ils ne nous les ont pas communiquées : peut-être, si une conférence préalable de délégués se fût réunie pour discuter la marche à suivre, quelques-unes de nos objections fussent tombées, ou bien nos amis de la Suisse allemande auraient eux-mêmes modifié leur manière de voir.

Ce qui n'a pas été fait peut se faire encore. Dans l'intérêt du développement de l'Internationale en Suisse, et pour empêcher que l'activité de ses Sections ne s'éparpille dans des directions opposées, nous croyons qu'il est urgent de se voir et de chercher à s'entendre. Il appartiendrait au Comité fédéral romand de prendre l'initiative d'une réunion de délégués de toute la Suisse, qui amènerait sans doute des résultats heureux[1].


Tandis que le Progrès, tout en marquant ce qui nous séparait du programme des socialistes de la Suisse allemande, les traitait avec une cordiale sympathie en affirmant les sentiments fraternels que nous professions à leur égard, j'écrivais, dans le même esprit de sincère fraternité, une « lettre ouverte » à un mutuelliste parisien, André Murat, délégué des mécaniciens de Paris au Congrès de Bâle, qui venait de faire imprimer le rapport présenté par lui à ses commettants. Cette lettre fut publiée en tête du numéro du Progrès du 1er janvier 1870. La voici :


Lettre au citoyen Murat,
Délégué des mécaniciens de Paris au Congrès de Bâle.
Mon cher Murat,

J'ai lu avec intérêt le rapport sur les délibérations du Congrès de Bâle que vous venez de publier. Vous y insistez d'une manière particulière sur le vote concernant la propriété collective, et vous reproduisez en détail les arguments dont vous vous étiez déjà servi à Bâle pour la combattre. Je vous remercie, pour ma part, de m'avoir donné cette occasion de constater une fois de plus ce que j'avais déjà remarqué souvent, savoir : que, parmi les adversaires de la propriété collective, les uns, partisans de l'individualisme absolu, comme les économistes, arrivent simplement à l'absurde, tandis que les autres, ceux qui comme vous se disent socialistes, ceux qui veulent l'égalité et la justice tout en prétendant maintenir la propriété individuelle, aboutissent à des contradictions flagrantes.

Établissons d'abord le premier point, en examinant le principe de l'individualisme et ses conséquences.

Ce principe, vous le formulez vous-même en ces termes : « La

  1. Cet article fut reproduit dans l’Égalité du 1er janvier 1870, qui le fit suivre de ces mots : « L’Égalité ne peut que s'associer aux regrets et aux espérances du Progrès ».