Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/289

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nisés et prêts à l’action, et veut-on attendre qu’il soit trop tard pour se défendre ?

« Neuchâtel, 19 janvier 1870.

« Un de vos abonnés. »


Le surlendemain, un second correspondant renchérissait sur le premier par une nouvelle épître que voici :


« Monsieur le Rédacteur,

« L’auteur de la lettre qui attire l’attention du public sur les menées occultes de l’Internationale, qui ne tendent à rien moins qu’à bouleverser de fond en comble les bases de notre société actuelle, à en juger par le ton de ses journaux, a parfaitement raison. Un homme averti en vaut deux, et c’est à nous à voir s’il faut subir la tyrannie d’une association dans notre libre Suisse. En tout cas, il vaut mieux prévenir que réprimer, tout en étant prêt à le faire de suite énergiquement, s’il le faut.

« Donc, que tous les amis de l’ordre, radicaux et libéraux, se groupent et se comptent. Ici il n’y a plus de politique en jeu, il y va de nos institutions, de nos familles, de notre avenir, de notre travail.

« Comme cela s’est fait à Bâle, que chacun accoure au premier signal sur la place de l’Hôtel-de-ville, que les chefs soient nommés d’avance, que les autorités veillent et agissent.

« Un de vos lecteurs. »


Anarchie ! Pillage ! Menées occultes ! Bouleversement de fond en comble !

Ils doivent faire de jolis rêves, ces pauvres correspondants.

Tout cela, parce qu’on a placardé aux coins des rues des carrés de papier grands comme la main, contenant un simple appel aux ouvriers, émané de l’Association internationale.

Voilà nos paisibles bourgeois de Neuchâtel dans tous leurs états. Vite des patrouilles, des agents de police, une garde nationale et des chefs nommés d’avance. Savez-vous bien qu’il suffirait d’une cinquantaine d’individus déterminés pour s’emparer de Neuchâtel une belle nuit et faire un mal incalculable !

Vous craignez un coup de main nocturne, ô patrons de l’Union libérale.

Et ce coup de main, vous le craignez de notre part à nous, républicains socialistes, que vous appelez fauteurs de désordre.

Ceci nous oblige à vous remettre en mémoire une histoire désagréable.

Rétablissons les rôles. Sachons de quel côté sont les émeutiers furtifs, les hommes de sang, de trahisons et de ténèbres.

Vous souvient-il de cette certaine nuit de septembre, où les amis de l’Union libérale, aidés d’une centaine de chenapans, tentèrent de renverser la République, surprirent le château et mirent le Conseil d’État sous clef[1] ?

Il n’y a pas encore quinze ans de cela !

  1. Il s’agit de la conspiration royaliste des 2-3 septembre 1856, par laquelle l’aristocratie neuchâteloise avait essayé de rétablir le gouvernement monarchique.