Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/291

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cherchons à amener à nous les ouvriers par la simple persuasion ? Une bonne fois pour toutes, voici ce que nous voulons. Nous allons vous dévoiler nos projets avec la plus parfaite candeur.

Nous voulons la liberté de tous, l'égalité de tous, c'est-à-dire la révolution sociale.

Et par révolution sociale, nous n'entendons pas une misérable surprise tentée à la faveur des ténèbres : la révolution signifie la destruction complète des institutions bourgeoises et leur remplacement par d'autres. C'est une nuit du 4 août 1789 que nous voulons, et non pas une nuit du 3 septembre 1856.

Nous prenons le mot révolution pour l'opposer à celui d’amélioration, de réformes, et d'autres pareils. Les radicaux, les partis politiques même les plus avancés, veulent simplement replâtrer l'édifice social, en lui conservant ses bases actuelles. Nous voulons, nous, à l'exemple de la Constituante de 1789 abolissant le régime féodal, faire table rase, et tout reconstruire à neuf.

Voilà dans quel sens nous sommes révolutionnaires.

Or, il est évident qu'une œuvre aussi gigantesque ne peut s'accomplir ni en un jour, ni en une année. Et il est évident aussi que, pour qu'elle soit possible, elle doit s'accomplir du consentement de la majorité ; il serait insensé à une minorité de vouloir l'imposer de force.

Cette œuvre, elle est commencée. Nous sommes déjà en pleine révolution, c'est-à-dire qu'une partie du peuple a déjà embrassé la cause de l'égalité, et commencé à attaquer les vieux privilèges. La fondation de l'Association internationale en 1864 a été une date importante de la révolution ; ses Congrès de Genève, de Lausanne, de Bruxelles, de Bâle, en ont été autant d'étapes.

Le jour n'est pas éloigné où l'Internationale, en Suisse comme partout, ayant achevé de consolider son organisation intérieure, et ayant rallié à elle tous les ouvriers intelligents, descendra dans l'arène. Elle aura bien vite conquis la majorité, car les exploités sont partout les plus nombreux. Et cette majorité populaire fera aux constitutions actuelles les modifications qu'elle voudra au nom de la souveraineté du peuple.

Ce sera une nouvelle étape de la révolution.

Ces modifications s'accompliront tranquillement, sans trouble, sans violence, car nous ne supposons pas que la bourgeoisie essaiera de se rebeller contre les lois votées par la majorité. Il serait affligeant de voir les amis de l'ordre donner l'exemple de la révolte.

Et ainsi, en appliquant successivement les principes socialistes à toutes nos institutions, en supprimant d'une manière radicale tous les privilèges, la révolution se consommera, et assurera pour jamais la paix à l'humanité.

Voilà nos principes et nos projets. Maintenant, que l’Union libérale et toute la presse bourgeoise nous traitent de buveurs de sang, c'est leur affaire.


Le premier correspondant de l’Union libérale avait parlé des événements qui venaient de se passer à Paris. Ces événements, c'étaient le meurtre de Victor Noir (10 janvier) et ses funérailles (12 janvier). À propos