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sion des statuts fédéraux et du règlement du journal. Sur la proposition de Wæhry, il fut décidé (16 février) qu'à l'avenir la Commission de rédaction devait être nommée, non plus par le Congrès romand, mais « par les Sections de la localité où sera désigné le journal » : on voulait par là s'assurer que l’Égalité, que l'on comptait bien conserver à Genève, serait rédigée exclusivement par la coterie genevoise, entre les mains de laquelle le Congrès de la Fédération, en adoptant cet article, abdiquerait son droit.

Il nous fallut bien, alors, ouvrir les yeux à l'évidence, et constater le parti-pris. Le moment était venu de s'apprêter à la résistance ; et, puisque Genève semblait momentanément perdu pour les idées révolutionnaires, nous songeâmes à prendre des mesures pour sauvegarder l'indépendance de notre organe. « Dès ce moment l'idée fut mise en discussion, dans les Sections des Montagnes, de proposer au Congrès romand, qui devait avoir lieu en avril, de transférer le journal dans une autre ville que Genève, afin de le soustraire à la pernicieuse influence d'un milieu réactionnaire. Le Congrès devait aussi élire le nouveau Comité fédéral romand ; nul parmi nous, dès avant ces événements, n'avait songé à le laisser deux ans de suite à Genève, étant décidés par principe à le transporter chaque année dans une localité différente : toute la question était de savoir quelle ville, après Genève, se trouverait la mieux placée pour devenir, pendant l'année 1070-1871, le siège du Comité fédéral ; et l'on hésitait entre le Locle et la Chaux-de-Fonds. Ces pourparlers au sujet de propositions à faire au Congrès romand, parfaitement légitimes et dont personne n'avait songé à faire un mystère, furent représentés plus tard par les dissidents genevois comme une conspiration : ils nous reprochèrent comme un crime d'avoir osé nourrir la pensée de transférer, ainsi que le voulait l'esprit des statuts, le journal et le Comité fédéral dans une autre ville[1]. »

Le mouvement de propagande, aux Montagnes, donnait d'excellents résultats. Au Locle, les trois Sections se réunissaient tous les samedis en assemblée générale pour discuter les questions formant l'ordre du jour du Congrès romand. À la Chaux-de-Fonds, la Section de propagande réussit en quelques semaines à jeter les bases d'une fédération locale de toutes les sociétés ouvrières, qu'elles fussent ou non adhérentes à l'Internationale, avec l'espoir d'amener ensuite cette fédération locale à adhérer en bloc à l'Association. À Neuchâtel, la Section obtint l'entrée dans l'Internationale de la société des menuisiers, de celle des graveurs et guillocheurs. Au Val de Saint-Imier, on discutait avec passion les questions économiques et philosophiques dans des réunions organisées sous le nom d' « école mutuelle », à Sonvillier et à Saint-Imier ; la Section du district de Courtelary décida de faire placer à l'ordre du jour du Congrès romand la question de « l'attitude de l'Internationale vis-à-vis des gouvernements » ; elle avait provoqué la formation d'une Fédération ouvrière du Vallon de Saint-Imier, afin d'amener les corps de métier à l'Internationale ; elle allait réussir à obtenir l'adhésion de la société des graveurs et guillocheurs. Des Sections nouvelles s'étaient fondées à Granges (canton de Soleure) et à Cortébert (canton de Berne).

Dans le canton de Vaud également, l'on constatait, à Lausanne et à Vevey, un réveil socialiste ; et la Section de Lausanne convoquait pour le dernier dimanche de février un grand meeting de propagande.

Que faisaient cependant, à Genève, les quelques hommes qui avaient courageusement défendu les principes du collectivisme ? que faisait, en particulier, la Section de l'Alliance ? Robin, après sa « campagne malheureuse » et l'échec définitif qui l'avait terminée, avait résolu de rentrer en France et de s'établir à Paris, où son activité pourrait s'exercer de façon plus utile. Dans son « Mémoire justificatif » de 1872, il dit : « Quant à moi, j'avais gratuitement consacré au journal, pendant quatre mois, vingt-cinq

  1. Mémoire de la Fédération jurassienne, p. 98.