Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/305

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tion de résistance, et pourtant il se présente toujours des grèves. En ayant des caisses fédérées, vous serez forts ; toutes les branches du bâtiment doivent être unies, et j'espère que ces conseils seront suivis et que l'on ne se contentera pas de paroles, mais de faits. » Duval, qui, malgré sa défection, ne pouvait pas sympathiser avec les politiciens, fit ressortir l'opposition entre l'organisation économique et l'organisation politique : « Il est indispensable que toutes les Sections aient une caisse de résistance, dit-il, sans cela la révolution politique s'emparera du mouvement et nos intérêts seront encore une fois abandonnés ». Enfin Outine dit clairement la pensée dominante de la coterie à la veille du Congrès : « Il exprime le désir que les délégués, en se rendant au Congrès romand, soient fermes pour maintenir le journal et le Comité fédéral à Genève. Il y a pour cela plusieurs raisons : d'abord cette ville, par sa situation, est parfaitement placée pour recevoir les nouvelles importantes arrivant de France, d'Allemagne, d'Italie ; en outre, c'est le plus fort groupe, et cette cité est, quant à présent, comme la capitale, du travail quant à la Suisse ; de plus, nous avons ici la coopération typographique, que nous devons soutenir, car étant le fruit de la grève nous ne pouvons l'abandonner. » Il parla ensuite de sa récente création, la Section russe : « Comme Russe, je dois remercier au nom de mes compatriotes les Sections genevoises de l'hospitalité que nous y avons rencontrée ; c'est à leur contact que nous avons pu étudier la question du travail. Nous aussi nous avons formé une Section qui, acceptée par le Conseil général, le sera aussi, nous l'espérons, par la fédération locale. » Ainsi, Genève avait repoussé l'Alliance, mais ce devait être pour accueillir à sa place la Section de M. Outine.


J'ai dit que les meneurs genevois avaient recherché l'alliance du parti coulleryste de la Chaux-de-Fonds ; de leur côté, les coullerystes avaient été enchantés de constater qu'ils pourraient trouver un point d'appui à Genève pour reprendre la lutte contre les collectivistes, et que l’Égalité qui, dans l'été de 1869, avait si rudement flagellé par la plume de Bakounine la trahison de leur chef, était maintenant devenue l'organe d'un « coopérativisme » qui ne pouvait plus effaroucher personne. L'entente fut conclue, et, par un acte public, le Comité fédéral romand donna un gage aux coullerystes du Cercle ouvrier, quelques jours avant l'ouverture du Congrès de la Fédération. Les collectivistes de la Chaux-de-Fonds, je l'ai dit (p. 247), avaient constitué, en décembre 1869, un groupe qui s'était donné le nom de Section de la propagande ; ce groupe travaillait à organiser à la Chaux-de-Fonds une fédération ouvrière locale. Il s'adressa au Comité fédéral romand pour lui demander d'être admis comme Section dans la Fédération romande. On vit alors cette chose inouïe : le Comité fédéral, pour complaire aux coullerystes, refusa l'admission de la Section de la propagande, en donnant les raisons suivantes (lettre du secrétaire fédéral Henri Perret, 27 mars) : L'article 2 des statuts de la Section disait qu'elle se proposait « d'entrer en relations avec le plus grand nombre possible de fédérations ouvrières, afin de connaître la position de l'Association internationale dans chaque pays » ; or l'établissement de relations directes entre la Section et d'autres organisations ouvrières était chose inadmissible, parce que de semblables relations seraient attentatoires aux droits du Comité fédéral ; en outre, l'article 17 disait que « le règlement pourrait être revisé en tout temps », ce qui, objectait le Comité fédéral, « était par trop élastique ».

Avant de connaître la décision du Comité fédéral, la Section de la propagande avait écrit à Perron, à Genève, pour lui offrir un mandat de délégué pour le Congrès de la Chaux-de-Fonds ; elle pensait que Perron, en butte depuis des mois aux insinuations malveillantes de la coterie du Temple-Unique, devait être désireux d'avoir l'occasion de démasquer, dans un débat public devant le Congrès, les manœuvres et l'intrigue de nos adversaires. Mais Perron était las de la lutte, et d'ailleurs des néces-