Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/361

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condamnés se trouvaient en proie à la plus affreuse misère ; leur situation inspira un élan de cœur à notre ami Charles Perron, qui écrivit à la Marseillaise, de Paris :


Il s'agit de venir en aide aux familles des condamnés d'Autun, de les soustraire à la révoltante charité de M. Schneider qui menace de les atteindre tôt ou tard. Je désire obtenir de la femme d'un des prisonniers de me confier, de confier à ma mère, à ma sœur, un de ses enfants dont nous nous chargerions entièrement pendant l'absence du père. Peut-être ne serait-il pas difficile de trouver trente ou quarante ouvriers qui soient en mesure d'en faire autant. Quand il y en a pour quatre, il y en a pour cinq, c'est connu... Cette adoption temporaire, faite sous les auspices de la Marseillaise, n'inspirerait aucune crainte aux femmes du Creusot, qui accepteraient sans doute cette manière de soustraire leurs enfants à la faim et à la misère, et elles, à l'aumône dégoûtante de leur tyran.


La Marseillaise publia la lettre, en ajoutant : « De pareils actes n'ont pas besoin de commentaire. Ils prouvent que l'union se fait entre les travailleurs de toute profession et de tous pays, sans distinction de localités ni de nationalités, et que, par conséquent, l'avènement de la révolution sociale est proche. »

Nous savions bien que nous pouvions compter sur les sympathies des socialistes parisiens : ils allaient bientôt, d'ailleurs, nous prouver leur confiance de la manière la plus éclatante, en nous chargeant de publier, à l'imprimerie de la Solidarité, le journal qu'ils décidèrent de fonder comme organe de la Fédération parisienne (voir p. 52). À Lyon et à Marseille aussi, l'entente était complète avec nous. De Rouen même, où le lithographe Aubry, qui rédigeait la Réforme sociale, avait déclaré vouloir se tenir sur la réserve, le fileur Creusot, ex-délégué au Congrès de Bâle, m'écrivit au sujet de la scission : « Si quelques questions de principes séparent nos frères romands, je fais des vœux bien sincères pour la fédération de toutes vos caisses de résistance, et j'ai la conviction que vous réaliserez cette solidarité capitale le plus tôt possible. Nous sommes charmés de l'active propagande que vous faites. Vous êtes de vaillants soldats, nous vous remercions... Recevez mon salut fraternel, ainsi que Fritz Robert et tous ceux qui combattent avec vous. »

D'Espagne nous avions reçu des déclarations attestant la solidarité de principes qui nous unissait aux travailleurs de la péninsule. Les deux délégués au Congrès de Bâle, Sentiñon et Farga-Pellicer, avaient adressé au Congrès romand une lettre (31 mars) dans laquelle ils nous faisaient part de « l'opinion de la majorité des ouvriers fédérés en Espagne » sur les trois questions du programme à discuter ; sur la question politique ils disaient : « Relativement à l'attitude des ouvriers vis-à-vis des gouvernements, nous sommes heureux de pouvoir constater que les ouvriers d'Espagne se convainquent de plus en plus qu'ils n'ont absolument rien à attendre de leur participation dans les affaires d'État, que tout le temps et tous les efforts consacrés à leur procurer une amélioration par ce chemin non seulement sont pitoyablement perdus, mais encore sont positivement nuisibles, parce que de telles tentatives ne sont que trop susceptibles d'égarer un grand nombre de nos compagnons de misère, comme nous le voyons à notre grand regret en France, en Angleterre, en Allemagne et dans la partie allemande de la Suisse ». — Après le Congrès, la Federacion, organe des Sections internationales de Barcelone[1], écrivit : « Nous considérons comme un devoir d'envoyer notre salut fraternel à la

  1. Le journal la Federacion avait commencé à paraître le 1er août 1869. Son rédacteur principal était le typographe Rafael Farga-Pellicer.