la Fédération parisienne de l’Internationale[1], sous la présidence de Varlin, assisté de Robin et d’Avrial Varlin avait dit dans son discours d’ouverture : « Nous sommes la force et le droit. Nous devons nous suffire à nous mêmes. C’est contre l’ordre juridique, économique, politique et religieux que nous devons tendre nos efforts[2]. » Une Commission de douze membres (Ansel, Avrial, Berthomieu, Germain Casse, Combault, Franquin, Johannard, Lafargue, Lefèvre, Raymond, Robin, Roussel) fut nommée pour rédiger un manifeste anti-plébiscitaire. Ce manifeste, qui parut dans la Marseillaise du 25 avril, disait aux travailleurs français : « Si vous désirez, comme nous, en finir une bonne fois avec toutes les souillures du passé,… si vous voulez affirmer la République démocratique et sociale, le meilleur moyen, selon nous, c’est de vous abstenir ou de déposer dans l’urne un bulletin inconstitutionnel, — ceci dit sans exclure les autres modes de protestation. Travailleurs de toutes sortes, souvenez-vous des massacres d’Aubin et de la Ricamarie, des condamnations d’Autun et de l’acquittement de Tours, et, tout en retirant vos cartes d’électeurs, afin de montrer que vous n’êtes point indifférents à vos devoirs civiques, abstenez-vous de prendre part au vote. Travailleurs des campagnes…, nous vous conseillons également de vous abstenir, parce que l’abstention est la protestation que l’auteur du coup d’État redoute le plus ; mais si vous êtes forcés de mettre un bulletin dans l’urne, qu’il soit blanc, ou qu’il porte un de ces mots : Changement radical des impôts ! Plus de conscription ! République démocratique et sociale ! » — De Lyon, l’on écrivait à la Solidarité que la Fédération lyonnaise serait bientôt solidement constituée ; qu’à Saint-Étienne, dans une grande réunion (10 avril), les principes et les moyens d’action de l’Internationale avaient été acclamés ; qu’une autre grande réunion avait eu lieu à Givors (24 avril) ; que des Sections rurales étaient en voie d’organisation. Bastelica nous racontait dans une lettre une excursion parmi les populations révolutionnaires des montagnes du Var, où il venait de fonder cinq Sections ; les paysans des Alpes-Maritimes l’invitaient à leur porter la « bonne nouvelle » ; dans les Bouches-du-Rhône se créaient des Sections industrielles ; « à bientôt le tour de l’Hérault, ajoutait-il. Tout ce mouvement brise mes forces, mais augmente mon courage. »
La Solidarité du 30 avril disait au sujet de la situation : « La France sera bientôt couverte de Sections internationales. Les grèves du Creusot et de Fourchambault ont rendu les doctrines socialistes populaires dans les départements du centre : Nevers et Limoges promettent de donner prochainement la main à Saint-Étienne et à Lyon. Besançon compte plu-
- ↑ Les statuts de la Fédération parisienne — qui à ce moment n’avait pas encore d’organe à elle — ont été publiés dans la Solidarité (n° 6, 14 mai).
- ↑ Il est intéressant de citer quelques lignes d’une lettre que Sentiñon écrivait de Barcelone à Varlin, à la date du 10 avril : « Mon cher ami. C’est avec le plus grand plaisir que j’observe quelle part active vous prenez dans l’organisation des sociétés ouvrières sur toute la France. Vous voilà dans le beau chemin, le seul qui conduit au but. Tout le temps et tous les efforts voués à d’autres choses sont non seulement perdus, mais directement nuisibles… Voulez-vous que liberté, égalité, fraternité ne cessent d’être des paroles vaines et creuses qu’après des siècles ? Eh bien, alors, attaquez les gouvernements monarchiques, établissez des républiques de plus en plus démocratiques, amassez des capitaux en épargnant des sous, instruisez-vous de mieux en mieux, et vous aurez l’une après l’autre la liberté, l’égalité et la fraternité, et en l’an 3000 la justice sera faite sur la terre. Voilà un idéal à faire pleurer de satisfaction un philosophe allemand. Nous autres, travailleurs espagnols, nous n’avons pas cette patience séculaire ; nous voulons voir la justice établie le plus tôt possible… Peu nous importe qu’on donne à l’Espagne un roi, ou quel soit ce roi, ou un empereur, ou un président de la République, ou même une douzaine de ces présidents : nous savons d’avance que ce seront les mêmes chiens avec différents colliers. Le gouvernement le plus tyrannique ne pourra pas nous empêcher de serrer nos rangs,… de jeter des bases solides pour l’édifice futur, et, après quelques années, un beau jour l’Espagne s’éveillera libre de tout gouvernement, libre de toute misère, libre de tout parasite, contenue seulement par les liens élastiques de la fraternité. »