Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/376

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

convocation d'une assemblée composée exclusivement d'ouvriers suisses, qui, réunis le 7 juin au nombre de cinq mille, protestèrent à l'unanimité « contre la provocation à la dissolution de l'Association internationale et contre la menace d'expulsion faite à l'adresse des étrangers ». Cette puissante manifestation populaire donna à réfléchir à la bourgeoisie et au gouvernement cantonal, et le Conseil d'État genevois n'osa pas obtempérer aux injonctions des patrons. Pour nous, nous saluâmes de nos plus sincères applaudissements l'attitude prise en cette circonstance par les ouvriers de Genève, qui venaient de démontrer de façon si péremptoire l'efficacité de ce qu'on appelle aujourd'hui l’action directe ; et nous affirmâmes nos sympathies et notre solidarité autrement que par des paroles ; notre Comité fédéral adressa à nos Sections la circulaire suivante :


Le Comité fédéral romand à toutes les Sections.

En présence des graves événements qui se passent à Genève, toutes les Sections de l'Internationale faisant partie de la Fédération romande doivent faire preuve de la solidarité la plus absolue. Nous vous invitons en conséquence, quoique les caisses de résistance ne soient pas encore définitivement fédéralisées, à organiser dans chaque Section des cotisations réglementaires pour soutenir les ouvriers en grève. Nous vous demandons en outre un premier envoi immédiat de l'argent dont vous pouvez disposer.

Salut fraternel.

Chaux-de-Fonds, le 10 juin 1870.

Au nom du Comité fédéral romand :
Le secrétaire général, Fritz Robert.


Cet appel fut entendu, et de toutes nos Sections les envois d'argent pour les grévistes affluèrent à Genève[1].

Les chefs d'atelier de l'industrie du bâtiment avaient décidé, dans une réunion tenue le 2 juin, que si les ouvriers plâtriers-peintres n'avaient pas repris le travail le jeudi 9 juin, tous les ateliers et chantiers du bâtiment seraient fermés à partir du samedi soir 11 juin. La menace fut mise à exécution : le lundi matin 13 juin trois mille ouvriers du bâtiment, à Genève, se trouvèrent jetés sur le pavé.


La publication par l’Égalité (21 mai) du rapport des Sections genevoises sur l'attitude de l'Internationale vis-à-vis des gouvernements, et, à quelques jours de là, la grande assemblée populaire du 7 juin, me furent une occasion de revenir sur la question politique et de continuer dans la Solidarité l'exposé de notre manière de voir. Je publiai le 4 juin un article dont je reproduis seulement la fin :


L'Internationale et les candidatures ouvrières.
(Solidarité du 4 juin 1870.)

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Nous relèverons dans le Rapport genevois une dernière remarque, avec laquelle nous sommes entièrement d'accord :

  1. « Faut-il le dire, hélas ? Les Genevois se montrèrent si peu attentifs à ces marques de cordiale sympathie, qu'ils ne daignèrent pas même accuser réception des sommes envoyées ; c'est ainsi, par exemple, que jusqu'à ce jour le caissier de la Section de Neuchâtel n'a pas encore pu obtenir un reçu de deux sommes de 50 fr. et de 24 fr., expédiées les 11 et 14 juin 1870, à l'adresse de M. Saulnier, président du comité de la grève, et dont l'envoi est constaté par les récépissés de la poste. » (Mémoire de la Fédération jurassienne, p. 154.)