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Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/418

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Que toutes les Sections se mettent en correspondance entre elles et avec leurs Comités fédéraux ; qu’elles s’envoient mutuellement des délégués. Ardeur, énergie, promptitude !


Internationaux du monde entier !

Ceci est l’aurore du jour nouveau, du jour de la justice qui se lève sur l’humanité.

Vive la République sociale universelle !

Neuchâtel, 5 septembre 1870.


Ce Manifeste fut envoyé non seulement aux abonnés de la Solidarité, mais à la plupart des Sections internationales de la France et de l’Allemagne. Je pus constater le soir même la sensation qu’il produisait dans la ville que j’habitais : les ouvriers l’accueillirent avec enthousiasme, et il fut décidé qu’une assemblée populaire serait convoquée pour le lendemain ; les bourgeois, dont la moitié au moins étaient des admirateurs de Bismarck, se répandirent en anathèmes furieux contre l’Internationale et les socialistes.

Le lendemain mardi, je vis arriver à l’imprimerie, dans la matinée, le préfet de Neuchâtel, M. Charles Gerster, et le directeur de la police municipale, M. Jean de Montmollin, accompagnés de trois gendarmes. Ces deux fonctionnaires me lurent un arrêté que, sur un ordre de Berne, venait de prendre le Conseil d’État (gouvernement cantonal) et par lequel il leur était enjoint de saisir le supplément de la Solidarité. Ils firent une perquisition dans l’imprimerie, et s’emparèrent des exemplaires restants : puis ils me signifièrent la défense absolue de continuer à imprimer la Solidarité, sous peine de fermeture immédiate de l’atelier. Ils se rendirent ensuite à la poste pour y saisir les exemplaires sur lesquels il serait encore possible de mettre la main : les exemplaires destinés à l’Allemagne furent, je crois, arrêtés à Bâle ; mais pour ceux qui étaient à destination de la France, la police arrivait trop tard : le Manifeste fut distribué à Paris, à Lyon, à Marseille, dans la plupart des grandes villes ; plusieurs journaux le reproduisirent, entre autres le Réveil de Delescluze et la Patrie en danger de Blanqui, et à Lyon il fut placardé sur les murs.

Le mardi après midi, mon ami David Perret vint m’avertir que j’allais être arrêté ; il m’engageait à mettre immédiatement la frontière entre la police suisse et moi, en me rendant à Pontarlier, où il avait un pied-à-terre qu’il mettait à ma disposition. Je le remerciai, et lui répondis que je préférais ne pas partir ; que d’ailleurs la nouvelle me paraissait invraisemblable, puisque le préfet, lors de la perquisition du matin, m’avait laissé en liberté. Je le priai d’aller aux informations ; il se rendit chez je ne sais plus quel personnage officiel de sa connaissance, et une heure après il me communiquait ce qu’il avait appris par cette voie : le télégramme de Berne qui avait enjoint la saisie du supplément de la Solidarité avait bien ordonné en même temps qu’on m’arrêtât ; mais le gouvernement neuchâtelois avait fait observer à l’autorité fédérale que cette arrestation donnerait de l’importance à un incident qu’il valait mieux étouffer, et le Conseil fédéral suisse, après réflexion, avait retiré son ordre.

Une assemblée populaire, comme je l’ai dit, devait avoir lieu le soir à Neuchâtel, et nous comptions y faire voter une énergique protestation contre la saisie du Manifeste ; mais cette réunion fut empêchée par le préfet, qui, usant de la faculté que lui accordait la loi, interdit de l’annoncer, soit par le tambour et le crieur public, soit par voie d’affiches. Dans les autres Sections, on s’était réuni immédiatement pour délibérer sur la situation ; des assemblées populaires, convoquées conformément à l’idée émise dans le Manifeste, eurent lieu entre autres à Moutier, à Corgémont, à Saint-Imier, à la Chaux-de-Fonds, et des souscriptions y furent recueillies pour l’envoi de délégués. Mais les nouvelles de France, qui montrèrent