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doigts, par dessous la main[1]. — Le mouvement pour la réforme électorale, ici, que notre Conseil général (quorum magna pars) a créé et mis au monde, a pris des dimensions toujours plus grandes et maintenant irrésistibles. Je me suis toujours tenu dans la coulisse, et ne m’occupe plus de la chose, depuis qu’elle est en train. » (Lettre du 9 octobre 1866, publiée dans la Neue Zeit du 12 avril 1902.)

Tout Marx est déjà dans cette lettre.


III

Progrès de la Section du Locle : sa protestation contre la guerre au moment de l’affaire du Luxembourg (avril 1867).


Pendant l’hiver qui suivit, la Section du Locle vit s’accroître le nombre de ses membres : environ soixante-dix adhérents nouveaux, presque tous ouvriers, se firent inscrire[2]. Son premier acte public fut une protestation contre la guerre, au moment où la question du Luxembourg semblait devoir mettre aux prises la France et la Prusse (avril 1867). Je me souviens que, dans la séance où cette protestation fut votée, on se demanda s’il vaudrait mieux chercher à grouper les Sections de toute la Suisse, en vue d’une manifestation collective, ou s’il était préférable que la Section du Locle allât de l’avant toute seule ; Bise émit l’avis qu’un feu de file de protestations locales, éclatant les unes après les autres, ferait plus d’effet qu’une protestation collective unique; et nous nous rangeâmes à cette opinion. En conséquence, je rédigeai un projet qui fut adopté et envoyé aux journaux. Notre protestation parut d’abord dans la Feuille d’avis des Montagnes, journal local. La voici :


Aux ouvriers de toute l’Europe.

Au moment où les souverains s’apprêtent à déchaîner de nouveau sur l’Europe les horreurs de la guerre, la Section du Locle de l’Association internationale des travailleurs se sent pressée de joindre sa protestation à celle des ouvriers de Paris et de Berlin, et elle engage ses sœurs de toute la Suisse à s’unir à elle pour flétrir une lutte qui ne pourrait être que fatale au travail et à la liberté.

En vain prétendrait-on justifier l’égorgement de milliers d’hommes en qualifiant de guerre nationale cette lutte insensée entre l’Allemagne et la France. On l’a dit déjà, et il faut le répéter sans cesse : Aujourd’hui, toute guerre entre les peuples européens n’est plus une guerre nationale, c’est une guerre civile.

En attendant le jour où l’Association internationale des travailleurs, lorsqu’elle aura recruté tous les hommes de cœur et de progrès, sera assez forte pour pouvoir dire à l’Europe : Il n’y aura plus de guerre, parce que nous ne le voulons pas et que nous sommes les plus nombreux : en attendant que ceux de nos frères qui n’ont pas encore compris la mission de notre Association aient les yeux

  1. In dem Report werde ich ihnen, unter der Hand, auf die Hände hanen.
  2. D’après le rapport présenté par le Conseil général au Congrès de Lausanne en 1867, la cotisation envoyée à Londres par la Section du Locle s’est élevée, pour l’année 1866-1867, à 17 sh. 10 d., soit 22 fr. 20, ce qui, à 30 centimes par membre, indique un chiffre de soixante-quatorze membres. La cotisation versée par la Section de la Chaux-de-Fonds a été de 21. sst. 4 sh. (182 membres) ; la Section romande de Genève a versé 4 L. st. (330 membres environ) ; la Section allemande de Genève, 1 l. st. 7 sh. 9 d. (112 membres environ). Ces quatre Sections sont les seules qui, en Suisse, aient payé cette année-là des cotisations à Londres.