Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/472

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Que faut-il penser de la situation actuelle ? Où en sont les affaires ? Y a-t-il espoir de voir, dans un avenir prochain, les choses s’améliorer ?

C’est sur la France qu’il faut porter notre attention, car c’est là que les questions révolutionnaires doivent se décider.

Les élections à l’Assemblée nationale se sont faites dans des conditions telles que cette Assemblée devait nécessairement être réactionnaire. Cependant le résultat inespéré du scrutin de Paris, qui a donné la majorité aux socialistes, et qui a envoyé à l’Assemblée deux de nos amis de l’Internalionale, Malon et Tolain, montre que la situation est loin d’être désespérée. Qu’on laisse à Lyon, à Marseille, à Bordeaux, à Rouen le temps de se reconnaître, et bientôt toutes les grandes villes suivront l’exemple de Paris. Le socialisme, qui semblait anéanti, se relèvera plus vivace que jamais.

La triste Assemblée qui siège à Bordeaux fait du reste à merveille les affaires de la Révolution. Elle a livré l’Alsace et la Lorraine. — et par là elle a porté un coup mortel à cette unité nationale de la France qui était un si grand obstacle à la Révolution, elle a ouvert le chemin au fédéralisme et a renié solennellement le dogme politique des nationalités. Elle a contracté une dette de cinq milliards, — elle mène la France à la banqueroute, c’est-à-dire à la Révolution. Enfin, redoutant Paris, elle a décidé de se retrancher à Versailles pour être plus en sûreté, — et elle n’a pas compris qu’elle allait par là même faire sentir plus vivement que jamais aux Parisiens le besoin de leur autonomie ; Paris se constituera en Commune libre, les villes de province en feront autant ; ces Communes républicaines et socialistes se fédéreront entre elles, et il ne restera alors à l’Assemblée d’autre ressource que de créer un royaume de Versailles, pour remplacer la France qui lui aura échappé.


Les Nouvelles de l’Extérieur, occupant le bas de la troisième page et toute la quatrième, annonçaient et commentaient les mouvements révolutionnaires dont le télégraphe et la presse venaient de nous informer. Du mouvement parisien, la Solidarité disait :


Au moment où notre journal allait paraître sont arrivées les dépêches annonçant la révolution de Paris. Il est encore impossible, vu le manque de détails, d’apprécier complètement les graves événements qui viennent d’avoir lieu... Le mouvement révolutionnaire a été dirigé par un Comité central, régulièrement élu par des délégués de 215 bataillons de la garde nationale, où nous voyons figurer plusieurs de nos amis, entre autre Varlin, Malon[1], et Assi du Creusot... Le lendemain 19 mars, une proclamation au bas de laquelle se lisent entre autres les noms de Jules Favre et de Jules Simon, deux soi-disant républicains, contient les infamies suivantes : « Quels sont les membres de ce Comité ? Sont-ils communistes, bonapartistes ou Prussiens ? Sont-ils les agents d’une triple coalition ? Quels qu’ils soient, ce sont les ennemis de Paris, qu’ils livrent au pillage. » Cette calomnie de bonapartistes et de Prussiens est de la même force que les divagations de ce membre du Conseil municipal lyonnais, le nommé

  1. Joukovsky se trompait : on sait que Malon ne faisait pas partie du Comité central.