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IX


La Solidarité, no 2, 3 et 4. — Bakounine dans le Jura. — Nouveau mouvement à Lyon (30 avril). — La première livraison de L’Empire knouto-germanique. — Conférences de Bakounine au Val de Saint-Imier. — Nos projets en mai.


Le second numéro de la nouvelle Solidarité porte la date du 12 avril 1871. Le premier article était de moi : j’y exposais la théorie fédéraliste telle que nous la comprenions, et que nous la supposions comprise par la Commune de Paris. Le voici :


Le fédéralisme.

Le véritable caractère de la révolution qui s’est accomplie à Paris commence à se dessiner d’une façon assez nette pour que tous, même les esprits les plus étrangers aux théories politiques, puissent maintenant l’apercevoir clairement.

La révolution de Paris est fédéraliste.

Le peuple parisien veut avoir la liberté de s’organiser comme il l’entendra, sans que le reste de la France ait à se mêler du ménage parisien ; et en même temps, il renonce de son côté à toute immixtion dans les affaires des départements, en les engageant à s’organiser chacun à sa guise, dans la plénitude de l’autonomie communale.

Les différentes organisations qui se seront de la sorte librement constituées pourront ensuite librement se fédérer pour se garantir mutuellement leurs droits et leur indépendance.

Il importe de ne pas confondre le fédéralisme tel que le comprend la Commune de Paris avec le soi-disant fédéralisme qui existe en Suisse et aux États-Unis d’Amérique.

La Suisse est simplement un État fédératif, et ce mot seul exprime déjà toute la différence de ces deux systèmes. La Suisse est un État, c’est-à dire qu’elle a une unité nationale ; et, par suite, malgré l’apparence fédérative, la souveraineté y est attribuée à la nation dans son ensemble. Les cantons, au lieu d’être considérés comme des individualités distinctes et absolument souveraines, sont censés n’être que des fractions d’un tout qui s’appelle la nation suisse. Un canton n’a pas la libre disposition de lui-même ; il peut bien, dans une certaine mesure, gérer lui-même ses affaires ; mais il ne possède pas la véritable autonomie, c’est-à-dire que ses facultés législatives sont limitées par la constitution fédérale ; et cette constitution fédérale n’est pas un contrat, dans le vrai sens du mot ; elle n’a pas été acceptée individuellement par chacun des contractants : elle a été imposée aux cantons par le vote d’une majorité. Un canton n’a pas le droit de résilier le contrat fédéral ; il lui est interdit de sortir de la fédération ; il lui est même interdit, comme nous le voyons en ce moment dans les affaires du Tessin, de se fractionner pour former des cantons nouveaux. Le moindre mouvement politique ou socialiste, une grève par exemple, peut amener dans le canton les troupes fédérales.

La fédération, en Suisse, n’est donc que dans les mots. Ce n’est