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ennemis. Dès le 20 juillet, il avait commence la rédaction d’un « Mémoire justificatif » pour la Section de l’Alliance, mémoire destiné à être présenté au Comité fédéral de Saint-Imier et dont il m’envoya le 5 août les 28 premiers feuillets. Le lendemain, il m’écrivit pour m’exposer son point de vue, une longue lettre, que je n’ai plus (toute ma correspondance avec Bakounine, excepté celle de 1869 et deux lettres de 1871, a été détruite). Il adressa également, le même jour, par mon intermédiaire, une lettre aux membres de la Section de l’Alliance, à Genève, pour leur dire son avis sur le conseil que je leur avais donné, et pour leur proposer un plan de campagne tout différent du mien. Cette lettre s’est retrouvée dans les papiers de Joukovsky[1], et je reproduis ici in-extenso ce remarquable document :


Le 6 août 1871, Locarno.

Aux amis de la Section de l’Alliance de Genève.
Amis et Frères,

Notre ami James vient de m’écrire qu’il vous a envoyé une lettre de Robin (lettre que je vous prie de m’envoyer au plus vite, comme il vous l’a recommandé, je pense), qui lui annonce qu’un orage formidable, longuement préparé par nos sales ennemis de Genève, de concert avec les autoritaires communistes de l’Allemagne, menace de fondre non seulement sur l’Allianee, mais encore sur toute la Fédération des Montagnes, et qu’il ne s’agit de rien de moins que d’exclure cette Fédération, la seule qui représente le vrai esprit de l’Internationale en Suisse, de la communion internationale des travailleurs.

Justement inquiété par cette nouvelle, l’ami James, qui vous a envoyé en même temps l’acte du Conseil général qui reconnaît la légitimité de notre Section, vous a donné le conseil de profiter de cette nouvelle déclaration du Conseil général pour faire ce qu’il appelle un coup de maître, et ce qui ne serait à mes yeux qu’un acte de défaillance malhabile. Il vous conseille de déclarer volontairement votre dissolution, et de demander comme conséquence de ce suicide généreux votre rentrée dans la Section centrale.

Il s’imagine sans doute que ce qui vous sépare de nos adversaires de Genève n’est qu’une question d’organisation, tandis que tous les principes et toutes les organisations ne sont pour eux rien que des prétextes qui leur servent à masquer leurs haines féroces, leurs ambitions, leurs intérêts et leurs vanités personnelles. Votre acte de dissolution notifié par vous au Comité fédéral de Genève serait accepté par eux sans doute avec joie comme un aveu public de votre faute supposée et comme un désaveu de notre principe, et votre demande de rentrée aurait pour conséquence infaillible, je vous le jure sur ma tête, la réponse suivante : Nous consentons généreusement à recevoir dans le bercail tous nos frères égarés et repentants de l’Alliance, moins Perron, Jouk, Bakounine et Sutherland, qui ont été expulsés de la Section centrale pour différents délits, par un jugement en règle. Au besoin, ce que je ne pense pas, ils pourraient consentir à nous accorder une amnistie, — ils ne nous l’accorderont pas, j’en suis sûr, leurs haines sont trop vivaces et ils nous craignent trop pour cela, — mais en supposant même qu’ils nous l’accordent, je vous déclare, pour mon compte, que moi au moins je ne l’accepterai pas. Leurs intrigues et leurs calomnies contre nous, ce jugement odieux, ridicule, et l’expulsion prononcée contre nous, ont été autant d’infamies, et je ne consen-

  1. Nettlau l’a donnée, p. 556.