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Neuchâtel, 15 août 1871.

Mon cher Jouk,

Merci de ta lettre. Deux mots d’observation.

Tu ne me dis rien quant à Michel : l’a-t-on consulté, oui ou non, sur la dissolution de l’Alliance?

Maintenant, pourquoi diable former cette Section de propagande ? Voilà que vous gâtez par là tout le bon effet de la dissolutioni de l’Alliance. L’essentiel est qu’il soit bien constaté que vous êtes dissous, désorganisés, renonçant à toute idée de groupement spécial, et demandant seulement à vous joindre à la Section centrale. La Section centrale vous refusera, c’est à prévoir : alors vous aurez le droit de créer une nouvelle Section, — ou plutôt, non, même alors je voudrais vous voir rester à l’état d’individualités sans Section, et réclamant auprès du Conseil général contre l’exclusivisme de la coterie genevoise qui vous ferme ses portes.

Ne vois-tu pas que, de cette façon, nous les battrons, nous les mettrons au pied du mur, — au lieu qu’en recréant une Section, vous donnerez lieu à la remarque parfaitement juste que c’est l’Alliance sous un autre nom ?

Dis à M[alon], de la part de Lacord[1], que celui-ci prie Tridon (si Tridon est à Genève et si vous avez son adresse) de lui prêter l’argent nécessaire pour aller en Angleterre. Il n’y aura qu’à m’adresser la somme, je la lui remettrai. Je ne veux pas dire du mal de Lacord, — mais nous serons bien aises de lui voir les talons. Ainsi, veuillez voir Tridon à ce sujet. Mille amitiés à Léon [Malon] et à Mme  André Léo. À mon premier moment de liberté, je vous enverrai copie d’une lettre de Robin.


Dans un passage de cette lettre, passage dont Nettlau n’a pas donné la copie, je devais parler à mon correspondant de l’idée de réclamer la suppression du Conseil général, car ma lettre du 20 août, que je vais reproduire, fait allusion au projet de cette suppression, d’ailleurs mis en avant déjà au moment de mon voyage à Genève en juillet (voir p. 167).

Le 15 août (d’après le calendrier-journal), Bakounine m’avait adressé une longue lettre, dans laquelle il se plaignait vivement que la Section de l’Alliance eût prononcé sa dissolution sans qu’il eût été informé, en temps utile, de la mise à l’ordre du jour de cette question ; il m’annonçait qu’il envoyait à l’adresse d’un ami à Genève une Protestation contre ce procédé et contre la décision prise. J’écrivis aussitôt à Joukovsky ce qui suit[2] :


Neuchâtel, 20 août 1871.

Mon cher Jouk,

Quelques questions auxquelles tu voudras bien répondre à lettre vue :

As-tu vu la protestation de Michel contre la dissolution de l’Alliance ? Sinon, demande-la à Pinier, je crois que c’est à lui qu’il l’a adressée. Je trouve que Michel a parfaitement raison de se plaindre de vos procédés à son égard : on ne l’a pas averti ni consulté, on ne lui a pas envoyé la lettre de Robin que je t’avais expressément prié de lui communiquer.

Ah ! mon cher, vous faites les choses en artistes : vous n’êtes pas

  1. Lacord était un ex-membre du Comité central de la garde nationale, cuisinier de son métier, passablement hurluberlu ; il se trouvait en ce moment à Neuchâtel.
  2. D’après la copie donnée par Nettlau, p. 359.