Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/528

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représenter en même temps la France[1] : c’étaient Serraillier, Vaillant, Bastelica, Mottershead, Fränkel et Jung.

Ces treize membres du Conseil général, qui n’avaient aucun mandat, formaient à eux treize la majorité de la Conférence, composée de vingt-trois membres.

L’inconnu sans mandat était un citoyen de Bordeaux, présenté seulement en séance. Il avait pour tout titre une lettre particulière où il était fait mention des progrès de l’Internationale à Bordeaux ; la coterie Marx comptait sur lui, il fut admis à siéger. On a su depuis qu’il avait été très confus du rôle qu’on avait voulu lui faire jouer ; et, faute de mieux, il cessa d’assister aux séances.

Il est juste d’ajouter à cette liste les filles de Karl Marx, qui furent admises à siéger à la dernière séance de cette Conférence secrète. La chronique ne dit pas si la Conférence leur donna voix délibérative ; elle aurait pu le faire sans déroger, car ces demoiselles avaient autant de titres à représenter le prolétariat international que le plus grand nombre des soi-disant délégués.


Ce qui se passa dans la Conférence a été raconté, en partie, par un témoin perspicace, Paul Robin, qui en sa qualité de membre du Conseil général assista à un certain nombre de séances. Je reproduis les principaux passages de son Mémoire Justificatif relatifs à ce sujet, passages dont quelques-uns ont été insérés, soit textuellement, soit un peu abrégés et atténués, dans le Mémoire de la Fédération jurassienne :


Je n’ai pas à parler de la préparation de la Conférence. Des raisons de distance et de famille m’empêchèrent alors d’assister assidûment aux séances du Conseil général... J’assistai seulement à la dernière, dans laquelle Marx eut le talent de nous faire peur des mouchards français (il avait déjà des indices sur Gustave Durand[2]), et nous fit voter à l’unanimité de n’admettre aucun délégué des réfugiés français à Londres... Nous verrons comment on y suppléa[3].

Enfin vint le jour de la Conférence ; on fait mystère du lieu[4] et de l’heure des séances, sous prétexte de police, mais en réalité par peur du contrôle des internationaux eux-mêmes. Il n’y a pas, en effet, dans la liste des personnes qui en font partie, un seul nom qui ne soit parfaitement compromis aux yeux de la bourgeoisie...

Un bien petit incident marqua le commencement de la première séance ; mais, hélas ! nous avons des choses si mesquines à signaler que celle-ci n’est pas indigne de leur compagnie, d’autant qu’elle peint bien le respect religieux que savent maintenir le grand pontife et ses cardinaux. On attendait depuis une heure et demie l’ouverture

  1. Après la Commune, le Conseil général, qui avait déjà admis dans son sein Robin, en octobre 1870, à titre de réfugié français, s’adjoignit un certain nombre de notabilités de la proscription communaliste : E. Vaillant, Ch. Longuet, Constant Martin, André Bastelica, Wroblewski, Léo Fränkel. Il se fit décerner à ce sujet par la Conférence un vote d’approbation.
  2. Cet espion, qui fut démasqué peu après, avait réussi à se faufiler dans une Section fondée à Londres par des réfugiés de la Commune sous le nom de Section française de 1871.
  3. On l’a vu plus haut, dans l’extrait du Mémoire de la Fédération jurassienne. Vaillant et Bastelica, membres nouvellement entrés au Conseil général, furent désignés par ce Conseil pour représenter le prolétariat français, en compagnie de Serraillier, secrétaire correspondant pour la France.
  4. Les séances de la Conférence eurent lieu dans une auberge à l’enseigne des Blue Posts, près de Tottenham Court Road.