Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/552

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… La défaite d’Outine et le triomphe de Malon m’ont causé une véritable joie. Mon cher Ozerof, je t’en prie, donne-moi plus de détails dramatiques. Que faire, si ces commérages peuvent m’amuser, vieux que je suis ! C’est une faiblesse, mon cher, une faiblesse de vieillard, mais que veux-tu ? j’aime bien les commérages qui sont intéressants. Écris-moi donc si Olga[1] a assisté à cette défaite de son bien-aimé ? Est-il possible qu’Outine n’ait pas tenté de répondre aux terribles accusations de Malon ?

Votre programme[2] est assez mauvais, mais cela n’a pas d’importance : il s’agit avant tout de ce que vous pourrez faire pour la propagande et pour l’organisation.


Ceux des proscrits français qui avaient fondé, avec quelques Genevois, la Section de propagande et d’action révolutionnaire socialiste — au premier rang parmi eux se trouvait Jules Guesde, journaliste de Montpellier, qui venait d’être condamné, en France, par contumace, à cinq ans de prison pour un délit de presse — avaient définitivement constitué leur groupe le 6 septembre en adoptant des statuts, et leur secrétaire. Retterer, avait écrit le même jour au Conseil général pour demander l’admission de la Section dans l’Internationale. La réponse de Londres se fit attendre fort longtemps ; dans la séance du lundi 25 septembre, tenue sous la présidence du Genevois Deshusses, Jules Guesde fit la motion « de mettre en demeure le Conseil général de Londres de se prononcer dans les huit jours » ; il fut décidé qu’une nouvelle lettre serait envoyée au Conseil général le vendredi suivant. On proposa d’imprimer les statuts de la Section ; Joukovsky fit observer qu’on ne pouvait pas les imprimer avant d’avoir reçu la réponse de Londres ; au vote, sept voix se prononcèrent pour qu’on attendît la réponse, douze votèrent pour l’impression immédiate[3].

Dans le courant de septembre s’était réuni à Lausanne le cinquième Congrès de la Ligue de la paix et de la liberté. Mme André Léo, qui cherchait toutes les occasions de faire entendre une protestation indignée contre les atrocités commises par les hommes de Versailles, se rendit à ce Congrès, et y lut un discours dont la hardiesse effaroucha son auditoire, et qu’on ne lui laissa pas achever. Mais elle eut le tort, en voulant repousser toute solidarité avec certains blanquistes, de se laisser aller à prononcer des paroles dures à l’égard de deux hommes qu’elle appela « deux des plus malheureuses personnalités de la Commune[4] » : Raoul Rigault, qui était mort, et Th. Ferré, qui allait tomber deux mois plus tard sous les balles des bourreaux versaillais à Satory. Nous la blâmâmes d’avoir parlé de la sorte ; les exagérations — et elle en était coutumière — ne font de tort qu’à ceux qui s’y laissent aller. Adolphe Clémence prononça aussi un discours devant le même Congrès pour défendre la Commune dont il avait été membre[5].

Diverses publications allaient faire connaître enfin au public la vérité sur

  1. Mme Levachof.
  2. Le programme de la Section de propagande et d’action révolutionnaire socialiste.
  3. Nettlau, note 2646.
  4. Dans la brochure Les prétendues scissions, etc. (p. 15), on lit : « La Solidarité ayant cessé d’exister, les nouveaux adhérents de l’Alliance fondèrent la Révolution sociale, sous la direction supérieure de Mme André Léo, qui venait de déclarer au Congrès de la paix, à Lausanne, que « Raoul Rigault et Ferré étaient les deux figures sinistres de la Commune ». Ces mots, donnés comme textuellement extraits du discours de Mme André Léo, puisqu’ils ont été placés entre guillemets, ne s’y trouvent pas : on les y chercherait en vain. Nouvel exemple de la façon dont Karl Marx respecte le texte des écrivains qu’il prétend citer.
  5. Le discours de Mme André Léo (publié sous le titre de La guerre sociale) et celui de Clémence furent imprimés à l’imprimerie G. Guillaume fils.