Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/586

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espagnols est parfaitement d’accord avec ses vues : pour qui connaît l’état réel de la question, c’est une retraite évidente et plus ou moins habile, aussi bien que cette déclaration de l’Internazionalista correspondant du Conseil général : « Mais qu’il soit bien entendu que les prolétaires, en s’organisant contre leurs exploiteurs, doivent avoir une politique toute à eux, qui sera aussi différente et aussi contraire à celle des bourgeois, que sont différents et contraires l’organisation économique et l’État politique ». Si l’Internazionalista a exprimé là non son opinion propre, mais réellement celle du Conseil général, alors nous ne pouvons que nous réjouir de l’immense progrès que celui-ci vient d’accomplir. Alors en théorie il n’y aurait plus aucune dissidence entre nous. Il ne resterait plus que le dissentiment pratique, dont la solution immédiate est urgente pour le salut même de l’Internationale, que les tiraillements provoqués par l’ambition tout à fait politique, dans le sens du gouvernement et de l’État, de plusieurs de ses membres, affaiblissent dans un moment où elle a besoin de toutes ses forces réunies pour lutter avec succès contre la coalition de toutes les réactions de l’Europe qui la menace[1].


L’Internazionalista du Gazzettino rosa n’était autre que Cafiero, comme nous l’apprîmes plus tard. L’opinion qu’il avait exprimée était la sienne propre, et non celle du Conseil général : il finit par s’apercevoir que ses aspirations le portaient d’un autre côté que celui où il avait fait ses premières armes ; les lettres qu’Engels lui écrivait pour l’endoctriner, loin de l’assouplir à la discipline de la coterie, eurent, au bout de quelques mois, un résultat tout contraire ; et l’instant n’était plus bien éloigné où il allait reconnaître, dans ce Bakounine tant calomnié, et qu’on avait cherché à lui faire haïr, l’homme selon son cœur.

Cependant on était à l’époque des fêtes de Noël ; Bakounine conduisit son hôte Cyrille chez ses amis, le fit asseoir avec lui à leur table ; puis il le dépêcha à Milan, porteur d’une lettre qui eut enfin raison des hésitations de Bizzoni ; et Cyrille, revenu le 28, et de nouveau fêté, partit le 31 pour Genève. Le calendrier-journal a noté en ces termes la série de ces incidents :


« 22. Arrive Cyrille. — 24 (dimanche). Avec Cyrille chez Bellerio, chez Gavirati, chez Chiesa. — 25. Déjeuné, dîné chez Bellerio avec Victor Cyrille. — 26. Matin avec Cyrille, décidons qu’il partira demain à Milan. Écrit avec Cyrille à Bizzoni, Marco, Paolo. — 27. Cyrille parti ce matin à 4 heures. — 28. Cyrille revenu ; il a réussi. — 29. Dîné chez Chiesa avec Cyrille et les Bellerio. — 30. Soir préparé lettres (Zaytsef, James, Ross) pour Cyrille. Pris pour lui 40 francs chez Chiesa. — 31. Cyrille parti pour Genève à 11 heures. Lettres de James et d’Adhémar. Adieu 1871 ! »


Dans son numéro du 29 décembre, le Gazzettino rosa avait publié la circulaire de Sonvillier, en la faisant précéder d’une lettre datée de Milan, 27 décembre, et signée Un groupe d’internationaux, qui disait : « Convaincus que le principe d’autonomie des Sections, des Fédérations régionales et nationales, constitue la véritable force de l’internationale ;... confiants plus que jamais dans l’avenir de l’Internationale, qui ne peut être subordonnée à la volonté ou à l’autorité de quelques individus, mais qui doit être l’œuvre de l’activité collective et de la liberté, nous acceptons la proposition de la Fédération jurassienne pour la convocation d’un

  1. Nettlau, p. 581.