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Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/618

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Cette pensée a consolé le père Meuron sur son lit de mort. Elle nous console aussi et nous fortifie ; et si, lorsque luira le jour de la justice, il ne devait éclairer que nos tombeaux, nous n’en savons pas moins qu’il luira certainement.

J. G.


Le dimanche 12 mai, le peuple suisse était appelé à se prononcer, par oui ou par non, sur l’acceptation ou le rejet d’un projet élaboré par les Chambres fédérales et revisant la constitution fédérale de 1848. Ce fut une occasion de plus, pour nous, d’exposer notre manière de voir sur la tactique réformiste et sur l’exercice du droit de vote. Voici le passage essentiel de l’article que j’écrivis à ce sujet (no 6 du Bulletin, 10 mai 1872) :


Les socialistes de la Suisse allemande, dont l’idéal est ce qu’ils appellent l’État populaire, applaudissent à la concentration des pouvoirs entre les mains de la Confédération et à cette chimère de la législation directe par le peuple, ou referendum, que promet la nouvelle constitution fédérale.... Ils ne sont pas révolutionnaires, ils ne veulent exercer d’action que sur le terrain strictement légal, constitutionnel ; ils acceptent d’être la minorité aujourd’hui, espérant que le vote leur donnera la majorité demain, et qu’alors ils légiféreront avec la même légitimité qu’ils reconnaissent aux gouvernants d’aujourd’hui. Ô aveugles ! vous ne voyez donc pas qu’aujourd’hui même vous êtes déjà la majorité ! Non pas celle du scrutin, c’est vrai ; car, au scrutin, sachez-le bien, vous ne serez jamais la majorité ; mais vous êtes, vous qui souffrez de l’organisation sociale actuelle, vous qui avez intérêt à la révolution, vous êtes la majorité ; et voilà pourquoi l’action révolutionnaire qui incombe au parti socialiste se trouve légitimée d’avance, sans qu’il soit besoin d’en appeler au scrutin.


Le Congrès annuel de la Fédération jurassienne fut convoqué pour le dimanche 19 mai, au Locle, par une circulaire du Comité fédéral en date du 10 avril. Onze Sections — dont trois, celles de Porrentruy, de Fleurier et de Lausanne, étaient des Sections nouvelles — y furent représentées ; en outre, dit le Bulletin (no 8), « différentes Sections constituées dans des villes de France dont nous ne pouvons publier les noms, parce que ce serait désigner nos amis aux persécutions de la police, avaient envoyé des lettres d’adhésion à la Fédération jurassienne ». Voici la liste des Sections représentées et les noms des délégués :

Section de la Chaux-de-Fonds, Fritz Heng et Albert Bernard ; — Section de Saint-Imier, Ali Eberhardt et Georges Rossel ; — Section de Sonvillier, Alfred Andrié et Adhémar Schwitzguébel ; — Section des graveurs et guillocheurs du Val de Saint-Imier, Jean-Louis Perdrisat et Jules Matile ; — Section de Porrentruy, Émile Prenez ; — Section du Locle, Désiré Blin et Auguste Spichiger ; — Section des graveurs et guillocheurs du Locle, Alexandre Châtelain et Paul Humbert ; — Section de Fleurier, Jean Stegmeyer ; — Section de Neuchâtel, B. Malon et James Guillaume ; — Section de Lausanne, Louis Pindy ; — Section de Genève, Dumay (du Creusot).

Un certain nombre de camarades non délégués s’étaient rendus au Locle pour assister aux séances du Congrès ; et nous vîmes aussi arriver de Zurich quelques étudiants russes, qui venaient d’entrer en relations avec Bakounine[1] et qui étaient désireux de faire connaissance avec la Fédération jurassienne. La cordialité avec laquelle nos amis du Locle accueillirent les arrivants, l’esprit de fraternité manifesté dans la soirée

  1. Le calendrier-journal nous apprend que, dans le courant de mars, trois étudiants russes habitant Zürich, Holstein, Œlsnitz et Ralli, répondant à un appel qu’ils avaient reçu de Bakounine, s’étaient rendus auprès de lui à Locarno, et qu’ils étaient convenus ensemble des bases d’une organisation destinée à remplacer celle de Netchaïef.