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Kapital[1] » (Mémoire, p. 238) ? La voici, telle que Robin, qui était bien renseigné, l’a racontée (Mémoire justificatif manuscrit, p. 15) :


Un certain soir de la fin de mai 1872, Marx réunit chez lui un certain nombre de fidèles, et leur lit une œuvre qu’il intitule : Les prétendues scissions, etc. Les élus s’inclinent devant les paroles du maître. À la séance suivante du Conseil général, on annonce que le sous-comité a rédigé et propose de publier une note à propos des dissidents suisses. À un membre trop curieux, on répond que ce n’est là qu’une affaire locale peu importante, et qu’il a toujours été d’usage, dans des cas pareils, de signer de confiance. La proposition est adoptée sans autre observation. Dans une des premières séances de juin, on apporte l’œuvre ornée de quarante-sept[2] signatures ; elle a été imprimée à Genève, et, ainsi qu’à Londres, s’y distribue aux fidèles ; elle porte la date du 5 mars.

On trouvera de drôles de choses en scrutant ces signatures. Pour allécher les curieux, je signalerai seulement celles des conseillers généraux in partibus infidelium : Dupont, résidant depuis deux ans et demi à Manchester ; Herman, qui n’a fait à Londres que le court séjour nécessaire pour s’y voir nommer conseiller et correspondant belge, et qui est promptement retourné à Liège « défendre la propriété » ; Rochat, l’agent de l’agent Serraillier, depuis longtemps parti pour la Belgique où il continue à s’occuper de faire la correspondance du Conseil général avec la Hollande.


Je retrouve, dans une lettre de Mme André Léo à Mathilde Rœderer, du 13 juin 1872, un fragment d’une lettre de moi qu’elle communiquait à sa jeune correspondante : ce fragment donne mon impression toute fraîche à la lecture de la « circulaire privée ». Le voici, précédé et suivi de la partie de la lettre de Mme Champseix qui s’y rapporte :


Je vous écris de Como, où je passerai probabIement l’été... Je me donne la joie aujourd’hui d’aller voir, à trois lieues d’ici, le cher Élisée Reclus, que je n’ai pas vu depuis son martyre.

Voici, à propos de Marx, un passage d’une lettre que j’ai reçue de Neuchâtel :

« Nos seigneurs de Londres viennent de publier contre nous une circulaire confidentielle imprimée. Je l’ai reçue hier par voie indirecte. Vous y êtes bien arrangée. Mais c’est Malon qui est le plus maltraité. Cela sort évidemment de la plume de Marx. Comment un homme de talent peut-il s’avilir jusqu’à écrire des choses aussi abjectes ? C’est un mystère pour moi. »

C’est James Guillaume qui m’écrit ainsi, un loyal s’il en est.

Tout cela, pour la cause, est bien triste. Les hommes qui se disent hommes de l’avenir, donnant ainsi dans toutes les intrigues et les vilénies du passé, luttant avec le parti de l’ordre de calomnies et de machiavélisme, où cela peut-il nous mener ? Je ne suis pas si étonnée que Guillaume. Ces gens-là sont des fanatiques, et croient servir

  1. Marx s’était déjà signalé dans ce genre de littérature en écrivant le pamphlet publié en 1860 sous le titre de Herr Vogt. Je n’ai connu le libelle de 1860 que beaucoup plus tard, en sorte que l’aspect sous lequel la brochure de 1872 faisait apparaître Marx était réellement nouveau et imprévu pour moi.
  2. Robin a écrit « quarante-huit », mais il n’y a en réalité que quarante-sept noms, celui de Jung figurant deux fois parmi les signataires, d’abord comme secrétaire correspondant pour la Suisse, puis comme trésorier.