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Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/655

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Arrivés à la Haye dans l’après-midi, nous y reçûmes, dans la rue même, dès nos premiers pas, un accueil d’une cordialité inattendue : des ouvriers, devinant que nous étions des délégués de l’Internationale, nous arrêtèrent pour nous donner de chaleureuses poignées de main et nous adresser des souhaits de bienvenue que nous traduisaient nos camarades flamands ; et les mêmes démonstrations se renouvelèrent à plusieurs reprises. Nous nous dispersâmes pour aller nous loger à diverses adresses qui nous avaient été indiquées : Schwitzguébel, Cafiero et moi nous nous rendîmes à une modeste auberge, dans un quartier peu distant du palais royal ; et nous eûmes l’agréable surprise de trouver là, installés autour de la table de la petite salle à manger et prenant le thé, mon vieux camarade du Congrès de Lausanne, Eccarius, et quatre autres membres de la délégation anglaise, John Hales, Roach, Sexton, et le joyeux Irlandais Mottershead, plus un délégué australien à l’herculéenne charpente et aux manières simples, le mineur d’or Harcourt. Surprise non moins grande, nous apprîmes, en quelques instants de conversation, qu’Eccarius et ses camarades s’étaient logés dans cette auberge pour être le plus loin possible de l’hôtel où Marx et sa camarilla avaient élu domicile[1] ; que le torchon brûlait au Conseil général, et que, bien que Roach, Sexton, Mottershead, John Hales et Eccarius fussent membres dudit Conseil, ils étaient en guerre ouverte avec ceux qui en formaient la majorité. « Mais, leur dîmes-nous, comment se fait-il donc que vous ayez signé la fameuse Circulaire privée imprimée il y a quatre mois, et au bas de laquelle vos noms fraternisent avec ceux d’Engels, de Serraillier, de Marx et de Longuet ? » Ils nous répondirent que leurs signatures avaient été placées là sans qu’il leur eût été donné connaissance du contenu de ce document. Eccarius nous apprit en riant qu’il avait été relevé de ses fonctions de secrétaire correspondant pour l’Amérique, sous l’inculpation d’être affilié à l’Alliance ; et que les membres du Conseil fédéral anglais étaient tous accusés par Marx d’être vendus à Gladstone.

Il devait y avoir une réunion préparatoire, le soir même, au local qui avait été loué pour le Congrès, la salle Concordia, dans la Lange Lombard-Straat. Nous nous y rendîmes ; et là, en faisant connaissance avec les délégués néerlandais, le tailleur Gerhard, représentant le Conseil fédéral hollandais, le lithographe Gilkens, représentant la société des lithographes d’Amsterdam, Van der Hout, représentant la Section d’Amsterdam, et Victor Dave, représentant la Section de la Haye, nous eûmes un autre étonnement : celui d’apprendre que la Hollande n’était nullement, comme nous nous l’étions figuré, inféodée au parti autoritaire, et qu’au contraire ses délégués avaient reçu le mandat de voter dans le sens de l’autonomie et du maintien des principes inscrits dans les Statuts généraux de l’Internationale. Mais en même temps nous dûmes constater une chose beaucoup moins agréable : la présence presque au grand complet du Conseil général, dont les membres, avec l’appoint d’un certain nombre de délégués à mandats d’authenticité problématique, constituaient une majorité faite d’avance, qui devait rendre illusoire toute délibération.


Les trois premières journées du Congrès, lundi, mardi et mercredi, furent entièrement employées à la vérification des mandats.

Voici, d’après la liste officielle, les noms des soixante-sept délégués dont la Commission de vérification eut à examiner les pouvoirs :


Délégués venus d’Angleterre[2] :

(*) Arnaud (Antoine), chimiste, délégué de la Section de Carouge (Suisse).

(*) Cournet (Frédéric), professeur, délégué du Conseil général de Londres et du Comité central de Copenhague (Danemark).

  1. Marx s’était installé à l’hôtel de Rome, le principal hôtel de la Haye.
  2. Je place un astérisque devant les noms de ceux des délégués qui faisaient partie du Conseil général.