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Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/672

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l’Association. Les partisans de rautonomie disent que notre Association n’a pas besoin de tête ; nous pensons au contraire qu’il lui en faut une, et avec beaucoup de cervelle dedans. (On regarde Marx, et on rit.) Nous devons absolument avoir une forte centralisation, et, pour terminer, en opposition à ceux qui demandent qu’on enlève au Conseil général ses pouvoirs, je demande qu’on lui en donne davantage. »

Morago, délégué espagnol, dit que ce serait perdre son temps que d’accorder au Conseil général des pouvoirs, attendu qu’il ne dispose pas de la force nécessaire pour contraindre les Sections à l’obéissance. L’Internationale étant une association libre, née de l’organisation spontanée du prolétariat et formant par son existence même la plus catégorique protestation contre l’autorité, il serait absurde d’espérer que les partisans de l’autonomie des collectivités ouvrières abdiqueraient leurs sentiments et leurs idées pour accepter la tyrannie du Conseil général. La Fédération espagnole est pour la liberté, et elle ne consentira jamais à voir dans le Conseil général autre chose qu’un centre de correspondance et de statistique[1].

Après ces discours, la séance publique fut levée. Puis, en séance administrative, le vendredi matin, le Conseil général proposa de remplacer les articles 2 et 6 du titre II des Règlements généraux, revisés par la Conférence de Londres, par des dispositions nouvelles. La majorité déclara la discussion close[2] et vota le texte proposé par le Conseil, en ces termes :

Art. 2. — Le Conseil général est tenu d’exécuter les résolutions des Congrès et de veiller dans chaque pays à la stricte exécution des principes et des Statuts et Règlements généraux de l’Internationale.

Art. 6. — Le Conseil général a également le droit de suspendre des branches, sections, conseils ou comités fédéraux, et fédérations de l’Internationale[3], jusqu’au prochain Congrès.

Cependant, vis-à-vis de sections appartenant à une fédération, il

  1. Ce résumé du discours du délégué espagnol est emprunté à la Memoria à todos Los iniernacionales espanoles.
  2. Avant la clôture, j’émis cette remarque que, puisque la majorité avait son parti pris d’avance, elle ferait bien mieux de voter les deux articles en bloc, sans nous faire perdre du temps en mettant aux voix séparément chaque alinéa. Serraillier répondit aigrement que la majorité ferait comme elle l’entendrait, et que, quant au « parti pris », c’était une insinuation calomnieuse, puisque les délégués de la majorité, eux, n’étaient pas liés par des mandats impératifs; et il ajouta : « Nous représentons trente départements de la France où l’Internationale est mieux organisée qu’elle ne l’était sous l’empire, quand elle était entre les mains des abstentionnistes ». Je l’interrompis en lui criant : « Respectez donc l’œuvre de Varlin ! « Sur quoi Longuet, intervenant, dit : < Oui, moi aussi j’étais abstentionniste avec Varlin, mais aujourd’hui c’est autre chose ». (D’après les notes manuscrites de Joukovsky.)
  3. En donnant au Conseil général la faculté de suspendre une fédération, on préparait déjà la suspension projetée de la Fédération jurassienne, qui fut prononcée quatre mois plus tard. Marx prit la parole sur ce point, et s’exprima ainsi : « Le Congrès de Bâle a donné au Conseil général le droit de suspendre une Section ; et par le simple usage de ce droit, le Conseil général aurait déjà pu, en suspendant l’une après l’autre toutes les Sections d’une fédération, arriver à réaliser en fait la suspension de cette fédération tout entière ». (La méchancelé chicanière de Marx, die rabulistische Bosheit von Marx, — observe Nettlau, — se marque bien dans l’invention de ce procédé pour donner une entorse à un texte et en violer l’esprit par une interprétation judaïque de la lettre.) « Ne vaut-il pas mieux, continua Marx, s’exprimer clairement, et dire que le Conseil général a le droit de suspendre une fédération ? Si son choix tombait sur une fédération comme la Fédération jurassienne, qui donne place aux mensonges et aux calomnies dans son organe ofTiciel, une semblable mesure serait tout profit pour l’Internationale. » (Notes manuscrites de Joukovsky.)