Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/80

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Comité cantonal genevois, il fut réellement seul à combattre, et fort souvent, malgré la puissante coterie genevoise, soutenue par tous les éléments réactionnaires des comités, il remporta la victoire. On peut s'imaginer s'il fut détesté de ceux qu'il tenait ainsi en échec[1].


La Section parisienne de l'Internationale, qui portait le nom de bureau de Paris, et qui avait son siège 44, rue des Gravilliers, était administrée depuis 1865 par une Commission de vingt membres, composée de Tolain, ciseleur ; Fribourg, graveur-décorateur ; Limousin, margeur ; Debock, typographe ; Bourdon, graveur ; Héligon, ouvrier en papiers peints ; Cultin, corroyeur ; Perrachon, Camélinat et Guyard, monteurs en bronze ; Fournaise, opticien ; Murat, mécanicien ; Varlin, relieur ; Bellamy, robinetier ; Delorme, cordonnier; Mollin, doreur ; Laplanche, carrossier ; Chemalé, commis-architecte ; Gauthier, bijoutier ; Malon, journalier. Après le Congrès de Lausanne, en 1867, le bureau de Paris renouvela sa Commission, qui fut cette fois composée de quinze membres : Chemalé, Tolain, Héligon, Camélinat, Murat, Perrachon, Fournaise, Gauthier, Bellamy, Guyard, Delorme, anciens membres réélus ; Dauthier, sellier ; Gérardin, peintre en bâtiments ; Bastien, corsetier ; Delahaye, mécanicien. Jusqu'alors, l'Internationale, à Paris, avait bénéficié de la tolérance administrative ; mais, en décembre 1867, le gouvernement impérial résolut de mettre fin à l'existence de l'association : il venait de s'apercevoir qu'elle pouvait devenir dangereuse ; des perquisitions furent en conséquence opérées au siège de l'Internationale, et aux domiciles de Chemalé, Tolain, Héligon et Murat, et des poursuites dirigées contre les quinze membres de la Commission. Sans attendre la fin de l'instruction ouverte contre eux, les membres de la Commission démissionnèrent (19 février 1865), en invitant les adhérents de l'Internationale parisienne à élire une commission nouvelle, qui fut composée (8 mars) des neuf membres suivants : Bourdon, graveur ; Varlin, relieur ; Malon, teinturier ; Combault, bijoutier ; Mollin, doreur ; Landrin, ciseleur ; Humbert, tailleur sur cristaux ; Granjon, brossier ; Charbonneau, menuisier. Les quinze membres de la première Commission, déférés au tribunal correctionnel, furent condamnés le 20 mars à cent francs d'amende chacun, et le bureau de Paris fut déclaré dissous ; cette condamnation fut confirmée en appel le 22 avril et en cassation le 12 novembre. Les membres de la seconde Commission, poursuivis à leur tour, furent condamnés le 22 mai à trois mois de prison et cent francs d'amende, et le bureau de Paris tut de nouveau déclaré dissous ; cette condamnation fut confirmée en appel le 24 juin. L'Association internationale des travailleurs cessa donc d'avoir à Paris une existence légale ; mais ses adhérents purent rester individuellement membres de l'Association, en qualité d'affiliés à une société étrangère ayant son siège à Londres.

Un incident du procès de la première Commission mérite d'être mentionné, parce qu'il permet de constater que le célèbre manifeste (Address) rédigé par Marx en 1864, et traduit en français par Charles Longuet, était resté à peu près inconnu en France, et qu'il était considéré comme n'exprimant qu'une opinion, et non point comme une profession de foi officielle engageant l'Internationale tout entière. On lit dans le compte-rendu de l'audience du 6 mars 1868 :

« Le président, à Tolain. On a saisi chez vous un manifeste portant la date de 1866[2], imprimé à Bruxelles, manifeste dont le programme est de la politique, même de la politique transcendante.

« Tolain. Cette pièce est ma propriété personnelle ; je crois être le seul en France qui la possède. Elle a été publiée par des ouvriers anglais, car il faut que le tribunal sache que chaque groupe, dans chaque pays, a le

  1. Extrait de la p. 77 du manuscrit inédit intitulé : Protestation de l'Alliance.
  2. 1866 est la date de la brochure publiée à Bruxelles par la rédaction de la Rive Gauche, contenant la traduction française du manifeste de 1864. J'ai déjà parlé de cette brochure p. 9.