Page:Jammes - De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir.djvu/225

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J’AI UNE PIPE…


J’ai une pipe en bois, noire et ronde comme le sein
d’une petite négresse dont j’ai vu le dessin
dans un livre intéressant où elle était nue…
Cette pipe me fait songer que dans la rue
et dans les jardins publics pleins de moineaux,
de petits pains brisés dans la boue, de jets d’eau,
on rencontre de bonnes négresses en foulards jaunes.
Elles sont douces et tristes comme les mois de l’Automne.
Elles sont l’esclavage d’autrefois. L’esclavage…
Ce mot fait penser à de lointains parages,
aux colons de Saint-Domingue, à de la mélasse,
à des chairs noires et à du sang et à des faces
en dents blanches où rit la douleur. Douces négresses,
promenez-vous tout doucement dans les allées.