Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/144

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un opulent domaine, il y a soixante-cinq ans, en juillet, quand la terre et les cigales craquent et quand les vergers exhalent le parfum du lierre terrestre et des framboises poudrées.

— Maître ! Quand on s’exprime de la sorte, que ne possède-t-on un luth d’ébène et que ne se tient-on sur la plus haute terrasse ?

— Mon ami, cela n’est point nécessaire. Lorsque je vous entretiens des cigales éraillées qui assourdissaient le silence épais de l’avenue, n’allez point croire que j’agisse autrement qu’Homère ou que Théocrite.

— Eh quoi ? N’avaient-ils point de lyres ?

— Eh non ! jeune homme. Eh non ! Ils allaient ainsi que moi par les routes de leur pays. Ils entraient dans une auberge, et, si le receveur de l’Enregistrement avait quelque goût pour la Muse, il les venait visiter. Le premier racontait Ulysse, homme assez semblable à un paysan basque expatrié. Le deuxième vantait à l’agent gouvernemental le plaisir de prendre des poissons.

— Ô maître ! Y avait-il des receveurs de l’Enregistrement, déjà ?