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FEUILLES DANS LE VENT

devant Bordeaux. Charles Lacoste jette encore un regard à ces bâtiments de la mer et de la lumière, à ces toits qui miroitent et basculent comme les flots, à ces murs qu’avaient ébauchés la plage et que maçonne la Bourse du commerce. Voici le fleuve en amont de la grande ville. Le paysage ne va changer qu’en apparence. Les rayons que lancent les mains du peintre ne se compliquent pas. Sa palette demeure la même. Elle s’affirme seulement, comme ce sol où ne s’évanouit plus l’écume de la mer, mais qui prend la densité des fleurs roses et blanches des pommiers et des amandiers. Le paysage se cuivre comme une peau méridionale, les Bohémiens ont le teint des chaudrons qu’ils réparent. Voici la nature cuite, les paysages du Tarn-et-Garonne paternel, les crépuscules qui arrêtent les lignes de la petite église sur l’humble place au repos. Le peintre s’émeut beaucoup ici. Le quai semble avoir disparu, le fleuve rétréci n’entend plus que le pas des chevaux sur le chemin de halage. Ah ! tout à coup l’océan réapparaît avec ses môles. C’est le ciel sur les fortificalions de Montauban.